Dans
les années 90, l’Algérie, trente années après
son indépendance, est sous l’emprise du Front
islamique du salut qui remporte les élections législatives
début 1992 et installe durablement un état où
la violence s’accroît avec la multiplication
des attentats islamistes, principalement contre
les intellectuels et les étrangers, et la négation
des droits des femmes cachées derrière leur
voile, soumises à l’autorité mâle et
religieuse. Triste époque sur laquelle peu de cinéastes,
du cru ou d’ailleurs, se sont penchés. C’est
pourquoi convient-il en tout premier lieu de
saluer le courage de Djamila Sharoui, réalisatrice
venue du documentaire.
En
mettant en scène le parcours de deux femmes
parties à la recherche du mari disparu de la plus
jeune, Djamila Sharoui propose un film
simple et linéaire, aux dialogues assez étriqués,
se délayant parfois dans une lenteur ennuyeuse et
à peu près vide de sens. Mourad, un journaliste,
n’est donc pas rentré depuis deux nuits ce qui
provoque l’inquiétude de Amel, médecin, crinière
noire ébouriffée et vêtue à l’occidentale.
Informée par un voisin garagiste de son probable
enlèvement par les islamistes, elle tente de
retrouver la trace de Mourad, en compagnie de
Khadidja, une collègue d’hôpital plus âgée.
Femmes
libres toutes les deux, refusant le joug de la
domination masculine, Amel et Khadidja
s’affrontent pourtant sur leur approche du problème
à régler. La fougueuse Amel s’oppose à
l’expérimentée Khadidja. La jeune femme
exprime le ras-le-bol d’un pays dévasté et
sans espoirs ; la femme d’âge mûr inscrit
la situation actuelle qu’elle abhorre tout
autant dans une perspective plus large où vient
se greffer la guerre de libération, dont elle fut
une participante active, lui valant encore des
soutiens précieux.
Prisonnières
dans un village des montagnes où elles pensaient
trouver Mourad, elles sont ensuite libérées,
sans leurs chaussures ni leur voiture. Sur le
chemin du retour, au milieu de paysages grandioses
– la campagne algérienne est verte et vallonnée
-, elles croisent un vieil homme, veuf récent,
lui aussi à la recherche de ses deux fils au
sujet desquels il profère cette phrase terrible :
« Je ne sais pas s’ils ont été tués.
Ou si ce sont eux qui tuent ». Phrase
qui contient tout le film, et résume en filigrane
la dichotomie destructrice du pays.
Servi
par l’interprétation magnifique de ses deux
actrices, Barakat !, (Ca suffit en
arabe, lancé comme une exhortation ) s’il ne
convainc pas entièrement du fait d’une réalisation
trop sage et manquant de puissance, n’en demeure
pas moins une ode sincère et triste, juste et poétique,
à un pays et à ses habitantes frondeuses et
courageuses.
Patrick
Braganti
Drame
français – 1 h 34 – Sortie 13 Septembre 2006
Avec
Rachida Brakni, Fettouma Bouamari, Zahir Bouzezar
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