Batalla en el cielo (Bataille dans le ciel)
de Carlos
Reygadas
[0.5]
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S’il
n’y a pas à proprement parler de bataille aérienne
dans le second film du mexicain Carlos Reygadas,
si ce n’est symbolique – nous y reviendrons -, de
bataille il en est question lorsqu’on parcourt la
critique opposée accompagnant sa sortie. Les termes de
génie, de renouveau, de mascarade et de boursouflure
sont tour à tour employés par les journalistes dans
une même exagération, car la médiocrité avérée de Batalla
en el cielo ne mérite certes pas ce déferlement
laudatif, et encore moins que l’on y consacrât un
temps inutile. On continue à être atterrés que la
provocation facile révélant un message fumeux puisse
encore séduire des cinéphiles.
Qu’y
a t-il dans Batalla en el cielo ? Un homme
Marcos, pas mal ventripotent, chauffeur de son état
d’un général dont la fille Anna lui procure à
l’occasion quelques gâteries – ouvrant et clôturant
le film – quand elle n’est pas elle-même occupée
à faire la pute dans un bouge local. Marcos est rongé
par l’inquiétude et bientôt les remords suite à la
mort de l’enfant qu’il a enlevé avec sa femme. En
se confiant à la fille de son patron, puis en grimpant
au-dessus d’une montagne avant de se mêler à la
foule des pèlerins se dirigeant vers Notre Dame de
Guadalupe, Marcos n’a de cesse d’expurger son crime
et de parvenir à sa propre rédemption.
C’est
un sujet certes pas très novateur mais on pouvait en
attendre beaucoup plus passé au crible du travail du réalisateur
de Japon, situant l’histoire de Marcos à
Mexico, ville tentaculaire et monstrueuse, jouant avec
sacré et profane, dans une débauche païenne
(promiscuité des corps et forte densité d’une des mégapoles
les plus peuplées au monde) tempérée par la croyance
et la foi (pèlerinages, images pieuses au-dessus du
lit). Hélas, le film n’atteint jamais cette dimension
métaphysique et se complaît bien trop dans l’effet
facile et recherché des prises de vues, des longs plans
fixes. Reygadas propose avant tout l’épuisement
de son spectateur par des scènes interminables à
l’habillage musical strident (les horloges dans le
tunnel du métro) ou bêtement décalé (l’air d’opéra
à la station-service). L’absence totale
d’expressivité de Marcos qui affectionne d’écarter
les bras autour de son volumineux buste, qu’il soit
debout ou assis, enlève toute épaisseur à son
personnage et le décrédibilise par conséquent. Comme
si cela ne suffisait pas à faire style ou sens, le cinéaste
insiste en ne nous épargnant aucun détail des
relations physiques entre Marcos et sa très opulente épouse.
Dénoncer la dictature des canons de beauté (en clair,
être mince et blanc) en surexposant des corps difformes
dans leur intimité fastidieuse et triste n’apporte au
final pas grand-chose. Alors, Reygadas trouve la
parade ultime quand Marcos finit par se pisser sur lui.
Pour le coup, la coupe est pleine, ne suscitant plus
chez le spectateur qu’ennui et dégoût – non des
choses montrées, mais de la manipulation évidente à
laquelle se livre ce vain et prétentieux cinéaste.
A
un moment, Marcos regarde un match de foot en se
branlant mollement, répétant à l’envi la réponse
d’un joueur à un interviewer « Démentiel,
c’est carrément démentiel ». La plus
judicieuse des remarques applicable à l’ensemble du
film. Retournons donc voir les œuvres de Rossellini,
Pasolini ou Bresson, noms si souvent
convoqués pour l’appréciation de Batalla en el
cielo et laissons Reygadas à sa fumisterie
et ses messages à deux pesos. Une chose est certaine :
nous tenons là la plus grande escroquerie cinématographique
de l’année 2005.
Patrick Braganti
Film Mexicain – 1h 28 – Sortie le 26 Octobre 2005
Avec Marcos Hernandez, Anapola Mushkadiz, Bertha Ruiz
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