Dans
la lignée des films britanniques inscrits dans la
réalité quotidienne faite de chômage et de
crise, une lignée sous l’égide de Mike
Leigh et Ken Loach, voici le premier
film d’une ancienne comédienne de théâtre, Gaby
Dellal. Une belle journée met en scène
Frank et sa famille. Avant de parvenir à la belle
journée en question, il y en a bien d’autres
plus moroses et tristes, comme celle où nous
faisons connaissance avec Frank, ouvrier aux
chantiers navals de Glasgow, assistant de loin au
lancement d’un gigantesque bâtiment de guerre.
De loin en effet, car Frank sait aussi qu’il vit
son dernier jour comme salarié. Subitement sans
emploi, le travailleur qui ne rechignait pas à la
tâche se trouve déboussolé et sans repères,
tandis que sa femme Joan passe en catimini son
permis de chauffeur de bus. Excellent nageur, fréquentant
assidûment la piscine locale, suite à une
plaisanterie d’un de ses amis, Frank décide de
traverser la Manche à la nage. Idée folle et
saugrenue pour un homme de 55 ans qui reprend un
entraînement intense, mais derrière cette
toquade presque puérile, Frank poursuit un double
objectif : d’abord se prouver qu’il est
encore bon à accomplir quelque chose, ensuite et
sans qu’il le sache consciemment clarifier une
situation qui le hante depuis longtemps et pollue
sa relation avec son entourage.
Ainsi,
Une belle journée offre deux niveaux de
lecture. Le premier, le plus évident, est celui
du défi et de la persévérance, avec en
filigrane des questions fondamentales du style :
Comment ne pas baisser les bras, continuer à y
croire. Sur ce plan-là, le film n’évite pas
les grands sentiments et les clichés dans un
traitement lourdement volontariste, proposant du déjà
vu maintes fois. Par contre, l’aspect expiatoire
de la formidable bravade de Frank est plus intéressant,
notamment dans les rapports conflictuels avec son
fils Rob, partageant avec son père une peine
commune qui les éloigne et les rend malheureux.
Comme
ses illustres devanciers, Gaby Dellal filme
ses personnages avec tendresse et émotion,
n’oubliant pas d’y insuffler une bonne dose
d’humour. Les séances d’exercices de Frank
sur les conseils avisés d’anciens collègues et
d’un restaurateur chinois particulièrement zélé
constituent les meilleurs moments du film parce
qu’ils ne sont pas porteurs de leçons ni englués
dans la symbolique facile.
Tout
cela fonctionne plutôt bien et il n’y a pas de
raison à bouder son plaisir même simple et
naturel. L’efficacité est due en grande partie
à la qualité de l’interprétation en tête de
laquelle on retrouve Peter Mullan (My
name is Joe de Ken Loach) et Brenda Blethyn
(Secrets et mensonges de Mike Leigh) qui
apportent tout leur talent à cette jolie fable.
Ce qu’est avant tout Une belle journée
à qui il ne faut surtout pas prêter d’autres
intentions que de nous émouvoir. Et puisque les
fins d’année sont toujours propices aux contes,
pourquoi s’en priver ?
Patrick
Braganti
Film
Britannique – 1 h 45 – Sortie le 7 Décembre
2005
Avec
Peter Mullan, Brenda Blethyn, Billy Boyd
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