Bloody
Sunday de Peter
Greengrass
1/2
Le titre de ce
film évoquait avant tout pour moi une chanson de U2 sur
laquelle j’ai au moins dû perdre quelques dizaines de
grammes, même si dans un coin de ma tête, je savais
qu’elle avait un rapport avec des événements qui
avaient eu lieu en Irlande voici déjà bien longtemps.
Et puis quelques jours avant,
j’ai regardé sur France 2 l’excellent documentaire de
Charles Enderlin : Le Rêve Brisé sur
l’échec du processus de paix au Proche Orient, le
travail considérable et souvent secret des négociateurs
et en filigrane cette haine ancestrale de deux peuples
ennemis à la mort, à la vie. Au passage, et malgré le
caractère éminemment tragique de ce que met en lumière
ce reportage, il faut aussi saluer la télévision quand
elle nous apporte ce type d’éclairage précis,
intelligent.
Autant dire que j’étais préparé
à aller voir le film de Greengrass, qui retrace la
journée du 30 Janvier 1972 à Derry, pendant laquelle eut
lieu une marche qui se voulait pacifique organisée par le
Mouvement des Droits Civiques et qui fut réprimée de
manière sanglante par l’armée britannique (13 morts,
pour la plupart très jeunes).
Venu du reportage de guerre –
il a travaillé pour un magazine d’actualité à Granada
TV – le réalisateur a choisi d’une part de réserver
à son film un traitement documentaire, journalistique et
d’autre part de prendre parti au regard de la version
officielle qui après enquête avait totalement innocenté
l’armée britannique, qui aurait juste riposté aux
exactions et autres provocations des manifestants.
Mis à part
quelques personnages récurrents qui composent une toile
de fond, dont le député Ivan Cooper protestant et
initiateur du mouvement, c’est surtout au déroulement
de la journée auquel le film s’attache avec la volonté
d’exposer tous les points de vue : manifestants et
armée, ce qui impose un montage serré, haché. Un des
grands mérites du film est de rendre tangible, palpable
la montée de la tension vers le point de non retour, prétexte
à agir pour les militaires anglais.
Enfin, outre son aspect
directement efficace, et au delà de l’histoire précise
qu’il veut raconter, le film tend aussi à une part
d’universel, raccourci vertigineux des conflits, des
haines et des souffrances humaines.
Cette dimension-là n’est sans
doute pas étrangère aux récompenses obtenues par ce
film, dont notamment l’Ours d’Or de Berlin.
A l’heure où un nouveau
conflit se profile à l’horizon, la vision de ce film
participe à coup sûr à une certaine réflexion, ce qui
décidément devient aussi une des missions du cinéma.
Patrick
B
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