Blueberry,
l'expérience secrète
de Jan
Kounen
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Pari ambitieux que celui-ci :
sortir un « ovni » cinématographique,
qui n’est ni un « blockbuster », ni
un « western » prônant avant tout
des scènes d’action, mais un film personnel, très
personnel de Jan Kounen, attendu au tournant
par pas mal de monde (6 ans pour aboutir à ce
projet…), et par moi en particulier (n’ayant pas du
tout aimé « Doberman » que j’avais
trouvé vain et prétentieux).
Et bien, le pari est réussi, et
amplement ! Certes, j’ai bien conscience que ce film
d’atmosphère, mélangeant les genres, qui se ressent
par les tripes plus que par le cerveau, va en dérouter
plus d’un… qui le trouveront sûrement bien trop
lent, qui ricaneront peut-être aux effets spéciaux,
qui jugeront l’histoire ou l’interprétation bien
trop décalés, ou l’adaptation à la BD (culte) trop
différente… Mais moi qui ait été bercée par Blueberry
dans mon enfance (et dont les deux albums préférés
étaient d’ailleurs « La mine de l’allemand
perdu » et « Le spectre aux balles
d’or »), je savais que j’allais voir un
film de Kounen (et j’y allais en traînant les
pieds…) et non une adaptation fidèle des livres de Girbaud-Moebius.
Et je suis rentrée complètement dans le trip audacieux
de ce film, en oubliant toutes mes références.
Il ne faut pas forcément s’intéresser
au chamanisme pour l’apprécier (lire quand même sur
ce sujet Castaneda !), car après tout, la
logique qui veut que la pénombre répond à la clarté,
et que c’est en osant affronter ses démons intérieurs
qu’on parvient à se trouver soi-même, cette logique
là n’appartient pas qu’aux chamanes mexicains, et a
influencé bon nombre de « road-movies »
où la rédemption est présente.
Mais ici, il y a quelque chose
d’autre… les représentations inconscientes d’un
personnage qui nous ressemble. Tout cela au milieu
d’immensités qui relativisent et paradoxalement
renforcent tout le propos du film. Les paysages sont
d’ailleurs somptueux, la nature omniprésente est un
personnage à part entière, et les effets spéciaux
sont magistralement mis en valeur (bravo Rodolphe
Chabrier !). Quant à l’interprétation, elle
confirme que Vincent Cassel est un acteur
instinctif incontournable de sa génération, très
« animal » (ce qui colle parfaitement au
sujet), et qui sait se fondre d’une façon empathique
et naturelle dans des ambiances très différentes.
N’oublions pas de citer Michael Madsen (un méchant
comme on les aime, délicieusement ambiguë et séduisant),
Juliette Lewis (dans un rôle un peu ingrat) et
son père Geoffrey Lewis, Ernest Borgnine,
Tcheky Karyo… avec une mention toute spéciale à Temuera
Morrison (qui joue le rôle de Runi, le frère
« chamane »)… Bref, que du beau monde !
Cette aventure intérieure
initiatique et physique d’un homme qui devient
« guerrier » devrait parler à chacun
d’entre nous, pour peu qu’on sache « lâcher
prise » et se laisser aller au cheminement intérieur
du personnage ; en tout cas, Blueberry est
un très beau film sur l’inconscient, l’inconscient
de chacun et l’inconscient collectif, sur
l’exploration nécessaire pour soi-même, sur la guérison
et le pardon (apprendre à se pardonner pour enfin
s’aimer et aimer l’autre), bref un film très
spirituel, avec une fin en apothéose qui confine à une
réflexion métaphysique et cosmique sur l’homme. Un
film qui aura sûrement autant de fans que de détracteurs
et qui risque de laisser peu de personnes indifférentes…
Bravo en tout cas à Jan Kounen, cinéaste qui
m’indifférait jusqu’alors, et qui rentre pour moi
maintenant dans la cour des grands ! En espérant
que ce pari ambitieux fera des émules, tant auprès des
cinéastes que des producteurs…
Cathie
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