Breaking
News
de Johnnie TO
[4.0]
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Tout est spectacle : on le savait déjà mais il
est parfois bon de le rappeler. C’est ce que tente de
faire Johnnie To
à travers ce Breaking
News, qui ouvre le cinéma de Hong Kong à des
questions contemporaines.
Soit donc la mise en scène
–à l’intérieur du film lui-même- d’un classique
du genre (ce genre étant lui-même un classique du cinéma
de HK) : prise d’otages dans un appartement où
s’est réfugié un groupe de fuyards pourchassé par
la police et retenant une famille (père, fils, fille
–on notera que la mère manque) par la force. Scénario
classique donc, mais qui trouve son ampleur dans le
traitement qu’en fait… la police. Car, bien décidée
à marquer les esprits pour démontrer sa toute
puissance, elle a en effet choisi de médiatiser –sous
contrôle- l’opération.
Voici
donc les escaliers de l’immeuble infiltrés de flics
munis de minuscules caméras portatives dont les images,
montées et mises en musique par la police, sont régulièrement
transmises aux télévisions, qui les diffusent. L’opération
de propagande va évidemment se compliquer, surtout
lorsque les fugitifs trouveront dans la technologie de
pointe (Internet, webcams, téléphonie mobile) le moyen
de produire leurs propres images.
On l’aura compris :
si le film de Johnnie
To déploie de nouvelles perspectives, elles sont
nichées dans cette forme de mise en abîme de la mise
en scène elle-même. La police crée son propre film,
les fuyards le leur, et ces deux réalisations autonomes
se fondent en se télescopant à l’écran, qui
s’ouvre sans discrimination aux images disparates de
la télévision, d’Internet ou aux photos prises par téléphones
portables. En procédant de la sorte, To
insuffle de la vitalité à son film et contourne ce que
d’aucuns considéreraient à tort comme un aveu d’échec,
celui d’un cinéaste s’en remettant au bon vouloir
de ses héros.
A
ce titre, le plan-séquence d’ouverture –tout à
fait justifié par l’attente (flics / truands /
spectateurs) de quelques
chose- redonne sa primauté à la toute puissance
virtuose du réalisateur. De cette séquence,
d’innombrables coups de feu et pourtant peu de morts :
car, comme le prouve la suite du film (la prise
d’otage), tout se résume à des questions de représentation,
de spectacle. Et les héros sont devenus des acteurs.
Après la première
fusillade, tout le monde embarque pour une traversée de
Honk Kong, qui offre de beaux plans de la ville chinoise
saisie dans sa proximité, au ras des immeubles. Le
temps passe, lent, tout le monde se rend sur les lieux
du prochain spectacle (la prise d’otage). C’est là,
à l’écart, ou dissimulé à l’intérieur même des
spectacles,
quand la caméra ne capte plus rien, que la vie
resurgit. Deux truands préparent un déjeuner appétissant
dans la cuisine de l’appartement : suspension du
temps. Mais lorsque la police reçoit ces images, elle
fait aussitôt distribuer –sous l’œil des caméras-
des plateaux-repas aux journalistes et à ses hommes.
Image égale action. Plus d’image : la vie.
On pourra trouver le procédé
un peu facile, il n’empêche que se coltiner des
questions d’une relative contemporanéité reste trop
rare dans le cinéma d’aujourd’hui. Saluons donc
l’audace (oui) de Johnnie
To, qui -pour le reste- offre le minimum syndical
attendu : gunfights, courses-poursuites, humour et
cette -déjà vieille- conception romantique surexploitée
par le cinéma policier asiatique, pour lequel flics et
gangsters sont des victimes embarquées dans la même
galère, frères-soeurs siamois, gendarmes et voleurs en
qui l’amour et la haine sont fondamentalement
indissociables.
Christophe
Malléjac
Film
chinois (Honk Kong) – 1h30 – sortie le 20 avril 2005
Avec
Kelly Chen, Nick Cheung, Richie Jen, Cheung Siu-Fai
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