cinéma

Broken wings de Nir Bergman   1/2

 

 

     Des ailes brisées, c’est bien ce qui symbolise ce film israélien déjà auréolé de quelques prix glanés à Jérusalem et Tokyo. Des ailes, il y en a dans le dos de Maya, mais c’est juste un accessoire de pacotille accroché à son costume de scène lorsque celle-ci se produit avec un groupe de rock. Car Maya croit beaucoup à la musique et ses vertus d’évasion. S’évader en effet de cet univers familial devenu si pesant et si plombé depuis la disparition accidentelle du père. Qui laisse une veuve murée dans sa douleur, Dafna sage-femme qui se tue à la tâche pour faire vivre ses quatre enfants. A côté de Maya, il y a aussi le grand frère Yair, réfractaire à l’école et versé dans un nihilisme ironique. Puis Ido et Bar les plus jeunes sur lesquels Maya veille en l’absence de sa mère. Ido le petit frère taciturne en colère contre le monde qui lui aussi voudrait bien avoir des ailes dans le dos pour prendre son envol , ainsi qu’il le fait régulièrement dans une piscine désaffectée devant un caméscope. Le jour où Maya retenue par un copain de lycée oublie d’aller chercher Bar à l’école, le drame survient : Ido devant sa petite sœur tombe à terre lourdement et sombre dans un coma durable.

 

    Le film se situe principalement à Haïfa, grand port israélien marqué évidemment par la situation actuelle du conflit tristement connu : immeubles désaffectés ou en piteux état, fatigue et lassitude des populations. Mais il ne s’agit que d’une toile de fond, nullement le sujet du film dont la portée universelle dépasse largement les frontières. Ici il est avant tout question du destin d’une famille brisée par la perte soudaine du père, dont chaque membre essaie à sa manière maladroite et digne de faire le deuil. Planent au-dessus de Dafna et les siens une chape de culpabilité et une impossibilité à dire et à souffrir. Dès lors, l’accident du petit Ido est vécu comme un catalyseur. Un développement qui rappelle le film de Mike Leigh : All or Nothing, tentant de se reconstruire suite à l’ accident du fils.

 

    Broken Wings vaut énormément par le jeu de ses acteurs et le refus du réalisateur à une complaisance facile. Il ne laisse jamais l’émotion s’installer durablement, préférant interrompre une scène. D’ailleurs, le film est assez court, mais il distille durablement une émotion poignante et un charme dévastateur. Il révèle un réalisateur talentueux et sensible, capable de brasser une belle palette de sentiments en filmant ses acteurs avec justesse et tendresse.

Accompagné par la belle musique d’ Avi Belleli, Broken Wings témoigne de la souffrance à ne pas pouvoir dire et à se fermer et montre avec force le difficile chemin de la rédemption et de la réconciliation.

L’agréable surprise de Mai 2004 à n’en pas douter…

 

Patrick

 

film Israélien – 1 h 20 – Sortie le 5 Mai 2004