Cache-cache
réussit la double performance, si l’on peut
dire, d’épuiser son dispositif narratif en un
quart d’heure et de ne jamais nous faire
entendre la voix du personnage principal. Si la
seconde caractéristique plus anecdotique tend à
une singularité formelle, la première
franchement plus discutable sape toute
l’architecture du film.
Yves
Caumon, signataire du prometteur Amour
d’enfance, nous convie donc à une partie de
cache-cache entre les nouveaux propriétaires
d’une belle bâtisse fraîchement rénovée et
l’ancien locataire des lieux, Raymond, garçon
simplet et muet, solitaire abandonné, tenu pour
mort pour la plupart des voisins et peu désireux
de laisser sa place. L’arrivée des nouveaux
occupants, la famille ex-citadine, idéale avec
deux enfants et un chien, oblige Raymond à
quitter la maison et à se cacher d’abord dans
les endroits les plus farfelus pendant les
travaux, puis au fond du puits, parfait
observatoire des agissements des intrus. Car
Raymond a un avantage, les nouveaux ne connaissent
pas son existence et sont bien loin de se douter
de cette étrange promiscuité. Alors la vie
s’organise, rythmée par les activités diurnes
et bruyantes des propriétaires et par les
escapades nocturnes de Raymond vaquant à ses
petites affaires : lavage de vêtements,
alimentation.
Et
c’est bien là que le bât blesse car très vite
le film tourne en rond : bien sûr des signes
de la présence d’un autre vite assimilé par
les deux enfants à un fantôme vont bientôt
apparaître. Le puits, l’asile de Raymond,
suscite toutes les convoitises des gamins
abasourdis de retrouver dans les endroits les plus
incongrus les objets qu’ils y ont préalablement
jetés.
La
thèse du fantôme semble ainsi se confirmer,
provoquant la crise de la mère et le trouble dans
tout le clan et emmène trop tardivement le film
sur les territoires du fantasque et de l’irréel.
Cache-cache
se veut un conte et une allégorie sur le regard
porté aux autres. Ici l’autre est différent et
invisible, on pourrait dire inférieur, et le
regard est unilatéral. Le message est d’autant
moins nuancé et il est donc aisé de décrypter
les intentions louables du réalisateur. Hélas,
l’essai est loin d’être transformé et
accumule les défauts. Pourquoi avoir fait des
parents deux personnes hors de leurs pompes, aux
attitudes apprêtées et artificielles ? On
ne voudrait pas en aucun cas être soignés par le
père, dentiste mollasson et on rêverait que la mère
opte pour le mutisme comme Raymond. Tout cela est
proche de la caricature et finit par amoindrir le
propos humaniste.
Film
rural et lent – ce qui en soi est tout à fait
respectable mais flirte ici avec ringardise et
niaiserie -, Cache-cache passe à côté de
son sujet et demeure une gentille fable, qui
devrait néanmoins recueillir les suffrages des
plus jeunes ou des nostalgiques des jeux
enfantins.
Patrick
Braganti
Drame
français – 1 h 31 – Sortie le 1er
Février 2006
Avec
Bernard Blancan, Lucia Sanchez, Antoine Chappey
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