Calvaire de Fabrice du Welz
1/2
|
|
|
|
Calvaire est, sans conteste, un premier film sincère, profondément
désiré par un jeune réalisateur belge impliqué et
passionné. Calvaire possède un thème en or, de ceux qui nous attirent,
de ceux qui nous fascinent, de ceux qu'on ne peut décidément
pas oublier. Et encore moins ignorer. Calvaire
recèle un casting de qualité, mûrement réfléchi, à
savoir Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe
Nahon, ou encore Jo Prestia.
Fabrice Du Welz,
le jeune fou qui se cache derrière l'objet du délit,
possède le talent immédiatement reconnaissable du
minimaliste efficace : climat, plans serrés, décor
(indiscernable, et c'est bien là qu'est la subtilité).
Calvaire,
ou comment un jeune chanteur itinérant se fait séquestrer
(à savoir tonsure, zoophilie, sodomie, crucifixion,
travestissement... Ca en jette sur le papier...) par un
aubergiste reclus au fin fond de la France qui le prend
pour sa femme, se présente donc comme le renouveau du
film d'horreur, comme le renouveau d'un genre trop
souvent oublié, dont les plus illustres représentants
sont certainement Tobe Hooper et John Boorman,
respectivement réalisateurs de Massacre
à la Tronçonneuse
et Délivrance,
deux des plus grands films de l'histoire du cinéma américain.
Impatience donc, espérance, exaltation, jouissance à
l'approche de la séance. Pourquoi ? Pour rien.
Affreuse réalité, abominable désillusion.
Certes, pendant une trentaine de minutes,
Calvaire
tient ses promesses. Caméra portée à l'épaule, plans
serrés, image crade et grainée. On se croirait presque
dans un film de vacances à SaintTrou en Pouillon. Laurent
Lucas, alias Marc Stevens, chanteur itinérant,
passe de village en village, amuse et attire les
vieilles en manque de plaisir sexuel (véridique), fait
son petit bonhomme de chemin, puis tombe en panne.
Viennent de s'écouler les quelques minutes les plus
malsaines et dérangeantes du film. Du Welz s'y
connaît, sait maîtriser son spectateur et, pas de bol
pour lui, il vient de le prouver (parce que sans ça, on
aurait peut-être pu être indulgent, qui sait). La
suite, on la connaît tous. Après une mise en route
comme celle-ci, on la redoute, on la craint, et on
l'attend malgré tout avec impatience. Impatience qui se
transforme d'abord en frustration, puis en désillusion,
et enfin en colère. Cette suite, elle ne viendra
jamais. Les scènes semi-gore s'enchaînent sans rythme
et, malgré des acteurs magistraux, d'évolution il n'y
a pas. Pire : Du Welz modifie son parti pris et,
peut-être influencé par son directeur de la photo Benoît
Debie (déjà présent sur Irréversible,
et les similitudes ne sont pas rares) laisse place à
une caméra virevoltante et à une lumière rouge orangée,
dont il émane un grand et malheureux aspect de préparation
léchée, de spectacle grandguignolesque, qui ne
convient absolument pas au sujet du film. Le lien avec
Marc Stevens le torturé (qui ne le sera finalement pas
tant que ça) est de ce fait rompu, le personnage ne
devenant ainsi qu'une banale figure de cinéma, vue et
revue. Fabrice Du Welz a clairement souhaité
nous en mettre plein la vue, plein les oreilles, nous
vider les tripes avec ces images qui sentent le
plastique à plein nez. Mais à vouloir trop en faire,
on finit par tout gâcher ; l'aspect intime et
minimaliste manque cruellement, la rupture fut fatale.
Cruelle déception. Un gâchis qui fait véritablement
mal au cœur. Reste qu'un nouveau réalisateur est né,
peut-être un peu trop avide d'expérimentations
superficielles lors de sa première oeuvre, mais en tout
cas talentueux et certainement capable de nombreuses
choses. Prenons
Calvaire comme un brouillon malheureux...
Axel
Cadieux
Film français, belge, luxembourgeois
- 1h30 - sortie le 16 mars 2005
Avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon...
>
Réagir
sur le forum cinéma
|