Cavale
de Lucas
Belvaux
1/2
Après la comédie légère et un
tantinet loufoque, le second volet de la trilogie de Lucas
BELVAUX nous emmène sur le territoire du thriller
politique, genre aujourd’hui quasiment disparu du cinéma
français.
Nous y découvrons Bruno, campé par BELVAUX en
personne, entr’aperçu dans le premier film et présenté
alors comme une sorte de sans-logis. Bruno vient en fait
juste de s’évader de prison où il purgeait une peine
de quinze années suite à diverses opérations de
terrorisme et de révolution prolétarienne.
Dés son évasion, Bruno rejoint Grenoble où il a un
certain nombre de comptes à régler et un trousseau de
clefs à récupérer auprès de Jeanne (Catherine
FROT, impeccable dans un jeu discret et subtil) qui
a fait partie du groupe d’amis révolutionnaires il y
a bientôt 20 ans.
Des personnages déjà présents vont venir
s’interconnecter dans ce second épisode, plus précisément
Pascal Manise le flic (Gilbert MELKI) et Agnès
sa femme droguée (Dominique BLANC).
La figure centrale de Bruno est une
sorte de cocktail détonnant entre une sorte de Cohn-Bendit
au grand cœur et un nouveau Mesrine tout aussi déterminé
à recourir à la violence la plus froide suivant les
situations. Cette dualité du personnage ne le rend pas
forcément sympathique et son combat apparaît plus
d’une fois un peu dépassé, pétri dans les miasmes
du passé. Nous sentons poindre un revival de 1968 et
des années 70 à maintes reprises. Cependant sa détermination
implacable, sa volonté de poursuivre coûte que coûte
ses objectifs, de vivre son destin en font aussi un héros
des temps modernes, pour lequel nous finissons par éprouver
un véritable attachement.
C’est donc aussi un film sur le
renoncement, sur les concessions ou les compromis que
chacun est amené à faire dans et avec sa propre vie.
Et Catherine FROT excelle dans ce jeu en double
teinte d’une femme rangée avec mari et enfant dont le
passé resurgit soudain avec ses zones d’ombre et ses
histoires pas toutes liquidées.
Le changement de genre implique ici un filmage différent,
un rythme plus saccadé, et la substitution du coloris
beige dominant du premier film par un gris bleu très
froid, très métallique.
Les scènes de poursuites, de rendez-vous clandestins
traduisent parfaitement l’état d’urgence
permanente. Et Lucas BELVAUX se révèle ici un
excellent metteur en scène, insufflant à son film une
énergie roborative dans ses moments d’actions qui
alternent avec des passages plus subtils, plus calmes où
les protagonistes prennent leur vraie dimension.
Enfin, nous pourrons voir le dernier
quart d’heure du film qui se passe à l’extérieur
de Grenoble dans les Alpes franco-italiennes comme une
parabole qui pose la vanité et l’éphémère de
l’homme face à la grandeur et à l’éternité de la
nature.
Patrick
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