Ce jour-là de
Raoul Ruiz
Le
prolifique réalisateur chilien Raoul Ruiz
s’est montré inspiré sur ce film, thriller
fantaisiste et surréaliste à l’humour noir, où tous
les acteurs s’en donnent à cœur joie !
Dans une Suisse apathique, une jeune femme loufoque, naïve
et plutôt timbrée (ravissante Elsa Zilberstein),
qui aime à imaginer la volonté de Dieu derrière tout
événement, ne se doute pas que, parce qu’elle vient
d’hériter de sa mère décédée, tous les membres de
sa famille ont ourdi un complot pour la faire
assassiner. Au contraire, elle attend beaucoup de la
journée qui s’annonce, selon le dire du Yi-king,
des runes et autres tarots, " comme la plus
heureuse de sa vie !". Et d’ailleurs, les
faits ne lui donnent peut-être pas tord… Car le tueur
(Bernard Giraudeau), psychopathe diabétique qui
s'est évadé de l'asile grâce à l’entourage du père
monstrueux de la "candide" (Michel Piccoli,
au mieux de sa forme !), se montre bien imprévisible,
tombant amoureux de sa future victime qui le voit
d’ailleurs comme un ange (un autre), tombé du ciel
"parce que Dieu l’a voulu"…
S’ensuit
alors un ballet macabre à l’humour désopilant, où
les marteaux, couteaux et autres flingues se manient
avec virtuosité, et où les corps tombent comme des
mouches, pendant que des flics flegmatiques
s’appliquent à jouer au billard et à enchaîner les
repas et les mots croisés "simenonesques…"
Raoul Ruiz est sûrement un cinéaste qui aime les
acteurs ; en tout cas, ceux-ci donnent le meilleur
d’eux-mêmes, et c’est un régal d’en revoir
certains qu’on avait malheureusement un peu perdus de
vue (Feodor Atkine, Jean-Luc Bideau, Jean-François
Balmer, Rufus… et, bien sûr, Bernard Giraudeau,
qui interprète avec maestria le tueur psychopathe, y
compris sur un plan purement gestuel !) ; même
des acteurs plutôt fades à l’ordinaire (Christian
Vadim, Laurent Malet…) prennent ici leur pleine
mesure, comme transcendés par le climat surréaliste et
décapant du film !
Derrière le traitement se profile néanmoins
aussi une critique plutôt féroce du capitalisme, mais
avouons-le, Raoul Ruiz se montre nettement moins
convaincant quand il veut faire passer des messages…
La dernière demi-heure traîne ainsi un peu en
longueur. On lui préfère en tout cas la non-morale
absurde de ce petit film jubilatoire, où les membres de
la famille, tous plus monstrueux les uns que les autres,
sont pourtant petit à petit détrônés par d’autres
monstres, fous innocents et facétieux pourtant tout
aussi féroces... Sous le regard poète de Raoul Ruiz,
ce sont les fous qui triomphent, et ça fait plaisir à
voir !
Prenons ainsi plutôt le film pour ce qu’il est avant
tout : une petite merveille de comédie noire et délirante,
où l’humour absurde côtoie le gore dans un ballet
visuel macabre de plus en plus frénétique ; un
film loufoque et volontairement outré, à savourer bien
frappé, et si possible en famille...
Cathie
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