Fraîchement
débarqué à Paris, David – campé par le réalisateur
lui-même – en recherche d’appartement se
retrouve par le plus farfelu des hasards en
colocation avec Anne, jeune femme naïve et
fantasque qui s’occupe d’une petite échoppe
de photocopies. Anne et David deviennent amis et
confidents, chacun cherchant auprès de l’autre
conseils et soutien dans son propre parcours
sentimental. Pour David, professeur de cor,
c’est Julia, sa jeune élève bourgeoise, coincée,
triste et quasi mutique, qui est la cible de sa séduction
et de son amour. En ce qui concerne Anne, c’est
pour un mystérieux client Gabriel, voyageur au
long cours, que nous ne verrons jamais au
demeurant, que son cœur bat. Les deux locataires
dissèquent à n’en plus finir leurs états d’âme,
leurs joies et leurs peines dans une proximité
que seul le spectateur trouvera trouble et équivoque.
Quand Anne et David couchent ensemble, c’est
juste pour imaginer la même situation avec l’élu(e)
de leur cœur et en y pensant très fort…
Lorsque
David réussit à emmener en week-end à Trouville
Julia, on se dit que leur relation s’engage
bien. Hélas, la rencontre avec Julien, séducteur
mythomane de pacotille, brise net les espérances
de David. Il faudra encore du temps pour faire
aboutir cette relation, et encore rien ne sera
t-il certain…
Pour
son troisième long métrage, Emmanuel Mouret
fait de l’idée de changement sa ligne
directrice. D’abord, il a quitté son Marseille
natal pour Paris. Ensuite, il situe son film dans
quatre lieux successifs : le duplex spacieux
où David emménage avec Anne, le studio sur la côte
normande, l’appartement qu’il finit par
partager avec Julia, la minuscule chambre de bonne
dans laquelle il échoue. Ces déménagements consécutifs
ne sont en fait que l’illustration des
intermittences amoureuses que connaissent les
personnages. Comme Mouret le déclare lui-même,
« le cœur est un organe qui nous rend
aussi impétueux que vulnérable, tout aussi dur
que doux, tout aussi définitif que changeant ».
En dépit des revers de fortune et de succès, le
très volubile Changement d’adresse est
tout sauf rébarbatif et ennuyeux. Au contraire,
on y rit beaucoup tant son réalisateur réussit
à redonner toutes ses lettres de noblesse au
discours amoureux. Plus précisément à
l’analyse fouillée des soubresauts amoureux à
laquelle se livrent non pas les couples concernés,
mais les amis, avec une honnêteté et une
maladresse touchantes. Dans Changement
d’adresse, on est continuellement surpris de
voir apparaître de la singularité et de la drôlerie
dans les situations les plus communes, les
attitudes les plus courantes, mettant en relief au
passage la difficulté d’adaptation au monde. A
leur manière, Anne et David sont deux personnages
burlesques, qui se cassent la figure et se relèvent
sans cesse sans jamais se départir de leur espoir
ni sombrer dans l’aigreur.
En
cela, cette comédie sans prétentions mais
toujours pétillante et jubilatoire promeut la
lutte contre l’usure et l’amertume. Ce qui lui
donne un ton frais et primesautier qui pourrait
bien en faire la comédie estivale par excellence,
bien loin des balourdises habituelles. Servi par
une interprétation impeccable – les bégaiements
et la logorrhée de Mouret, le naturel désarmant
de Frédérique Bel – et des dialogues
aux petits oignons, Changement d’adresse
travaille avec finesse et raffinement le contraste
entre apparente légèreté et véritable mélancolie.
La succession de Rohmer est d’ores et déjà
assurée…
Patrick
Braganti
Comédie
sentimentale française – 1 h 25 – Sortie le
21 Juin 2006
Avec
Emmanuel Mouret, Frédérique Bel, Fanny Valette,
Dany Brillant
Plus+
www.changementdadresse-lefilm.com
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