Cinéastes
à tout prix
de Frédéric
Sojcher
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"Cinéastes à tout prix",
c'est d'abord un cri, celui de Jean Jacques Rousseau
(comme l'autre, mais “sans tiret”), ancien
ouvrier-maçon et cinéaste amateur, qui réinterprète
"L'Internationale" version septième art. Le
documentaire de Frédéric Sojcher rend en effet
hommage à trois Belges qui ont fait du cinéma (extrêmement)
indépendant le moyen d'expression de leur passion
commune. En fait, on devrait plutôt parler de
"professionnels de l'amateurisme", tant cet
encagoulé furieux et ses deux compères, Max Naveaux
et Jack Hardy, savent se départir des minuscules
moyens à leur disposition. Et leur filmographie est
bien fournie : un court et trois longs métrages pour Naveaux,
dix longs pour Hardy et Rousseau a déjà
tourné la bagatelle de trente-six films, dont trois
longs métrages.
Cette triplette de vénérables anciens (à 57 ans, Rousseau
est le plus jeune, quand Naveaux taquine lui les
huit décennies) font le cinéma qu'ils veulent, en
Super 8 ou Super 16. Jack Hardy s'est spécialisé
dans la réinterprétation-parodie de valeurs sûres.
Ainsi, son César Barbarius contre les Bassis-Mosans
(tribu de la Basse-Meuse) fait appel au patrimoine d'Asterix.
Max Naveaux donne lui dans le film de guerre,
notamment grâce à l'aide providentielle de différents
musées militaires. Double avantage pour ses longs métrages
: le réalisateur s'équipe généreusement et à peu de
frais ; le gain en crédibilité est énorme puisque ce
sont de vrais armes et des projectiles authentiques (pas
de balle à blanc dans Maquis contre Gestapo,
mais pas de blessé non plus). Quant à Jean Jacques
Rousseau, il est plus polyvalent, donnant à la fois
dans les genre d'épouvante, épique ou encore policier,
et va jusqu’à soigneusement enterrer son Furor
Teutonicus pour les générations futures, “les
extraterrestres et les insectes”.
Bien que ce dernier soit le plus militant des trois cinéastes
amateurs choisis, ce n'est pas par allusion aux
terroristes qu'il est sans cesse coiffé d'une cagoule
noire. "C'est par référence à la croyance
indienne qui veut que la caméra ou l'appareil photo
capturent votre âme." On le verra donc toujours
masqué, excepté pendant la séance de casting de son
prochain film, en plein marché, filmé de dos, et où
il demande aux badauds à potentiel de jouer quelques
lignes. Et quand on lui demande pourquoi il se sert
d’un revolver sur le plateau, il répond : “Je
tourne un film de gangsters, je dois donc être armé.
Et ça met les acteurs en condition”.
Un tel cinéma de la débrouille ne peut qu’être
parcouru de riches anecdotes. Max Naveaux a fait
jouer à l’identique à un de ses amis une scène que
celui-ci a réellement vécu : l’arrestation par la
Gestapo. Jack Hardy demande à une connaissance,
accessoirement député, d’interpréter un sénateur
romain (“Finalement, ça n’a pas tellement changé”,
dira-t-il).
Frédéric Sojcher fait rapidement intervenir un trio inévitable, Noël
Gaudin, Benoît Poelvoorde et Bouli Lanners, qui ne
peuvent que s'incliner devant le talent de leurs prédécesseurs
et camarades. Mêlés à la plongée dans l’intimité
des trois cinéastes, les nombreux extraits de films qui
enrichissent le documentaire permettent de saisir leur démarche,
qui est d’abord bien sûr de se faire plaisir. Cinéastes
à tout prix a au bout du compte une vertu rafraîchissante
de simplicité : le cinéma que l’on aime est à la
portée de presque tous, il suffit de le faire soi-même.
Sébastien Raffaelli
Film belge - 1h05 - Sortie le 2 mars 2005
Avec Jack Hardy, Max Naveaux, Jean Jacques Rousseau et
leurs acteurs bénévoles
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