Crustacés
et coquillages de
Jacques Martineau et Olivier Ducastel
[3.5]
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Ducastel et Martineau, couple à la ville comme à la
scène, ont depuis leur premier film voulu donner une idée
positive et heureuse de l’homosexualité, sans pour
autant verser dans la mièvrerie ou faire l’impasse
sur le traitement de certains aspects comme la séropositivité,
le sida ou les problèmes d’intégration. Le résultat
est assez inégal, on retiendra avec plaisir Drôle
de Félix où le dénommé Félix, jeune beur homo
et chômeur, entamait la traversée du pays de Dieppe à
Marseille pour y faire la connaissance de son père
inconnu et faisait en route un joli paquet de belles
rencontres.
Pour ce
quatrième opus, les deux compères nous présentent une
famille en vacances en apparence très conventionnelle.
Le père Marc (Gilbert Melki jouant les pseudo
beaufs avec finesse) est garagiste et retrouve la maison
de son enfance au bord de la Méditerranée. La mère Béatrix
(Valeria Bruni-Tedeschi en grande bringue débridée
et pas coincée), mi-hollandaise, est une femme à
l’humeur égale. La fille Laura attend son petit
copain pour partir au Portugal et Charly l’arrivée de
Martin un pote de lycée. C’est Martin qui va servir
de détonateur en nous permettant de découvrir les
petits secrets de cette tribu qui se révélera beaucoup
moins conforme que prévu. En effet, Martin est gay et
Charly pas, mais il joue à faire croire auprès de ses
parents qu’il pourrait l’être lui-même. Ce dont se
persuade illico Béatrix, guère offusquée
d’ailleurs, au grand dam de Marc dubitatif :
comment Charly qui joue au foot pourrait-il être pédé ?
Sachez que viendront s’ajouter à ce groupe
sympathique l’amant à casquette de Madame et un
plombier dont il serait cruel de préciser le rôle.
La grande
qualité de ce petit film attachant, mais pas renversant
quand même, est l’effet de surprise, qui nous emmène
sur des pistes inattendues au balisage trompeur.
L’esprit est bon enfant, le soleil brille même si la
mer paraît assez froide. Dans cette maison sans grand
luxe, un peu bohème, c’est la salle de bains et sa
cabine de douche qui concentre tous les désirs et les
échanges amoureux de tout ce petit monde. L’élément
aquatique est ici primordial, que ce soit la douche, la
pluie ou le bruit des vagues au loin, conférant au film
sensualité et érotisme moites.
Crustacés et Coquillages est un conte moderne qui parle da la confusion et
de l’imprévisibilité des désirs, mais sans
l’affrontement qui va souvent avec. Comme le dit Béatrix,
pourquoi faudrait-il trancher entre oui et non, pourquoi
ne pourrait-on pas avoir le oui et le non en même temps ?
Ici tout se passe dans la sérénité et la bonne
entente, comme dans une comédie vaudevillesque qui se
termine par de (nouvelles) unions et des chansons, même
si on peut déplorer les dernières minutes qui
diffusent un ballet peu inspiré, bâclé pour tout
dire, lorgnant du côté de Jacques Demy avec la
grâce en moins. Au contraire, le générique
d’ouverture avec sa chorégraphie espiègle de crabes,
palourdes, bulots et autres violets s’avère
diablement plus emballant.
Rafraîchissant et malicieux, émaillé
de répliques savoureuses, Crustacés et Coquillages
est un honorable et iconoclaste divertissement sonnant
juste, qui sous ses dehors légers et futiles ne perd
pas l’occasion de quelques réflexions sur la géométrie
à taille variable des sentiments, en foutant un bon
coup de pied dans la fourmilière des préjugés et du
retour aux valeurs morales d’antan.
D’ici quelques mois –
patience ! – ce sera l’amour à la
plage…voici de quoi patienter et se mettre l’eau à
la bouche en passant un bon moment.
Patrick
Braganti
Film
français – 1 h 33 – Sortie 30 Mars 2005
Avec
Valeria Bruni-Tedeschi, Gilbert Melki, Jean-Marc Barr
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