Dig
!
de Ondi Timoner
[4.5]
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L’histoire du rock est jalonnée de nombreuses rivalités
entre groupes comme ce fut le cas dans les années 60
entre les Beatles et les Rolling Stones et
plus récemment entre Oasis et Blur,
souvent alimentées par les ego surdimensionnés de
leurs membres et relayés par des média avides et
complaisants.
Fruit de sept années de tournage entre 1995 et 2002, Dig !
montre la dégradation des rapports entre deux groupes
américains initialement très proches que les voies
empruntées vont éloigner l’un de l’autre. De
l’amour à la haine, en quelque sorte.
D’un
côté, prenez The Brian Jonestown Massacre
originaire de San Francisco et son leader Anton
Newcombe, génial songwritter, auto-détruit par les
drogues et l’alcool – un cliché à puissance dix
ici – au comportement imprévisible dont la rigueur
personnelle ne souffre aucun compromis. D’où
difficultés à trouver des producteurs, à organiser
des tournées, à mener une carrière tant soit peu cohérente.
De
l’autre, The Dandy Warhols – dont on ne fera
pas l’injure d’expliquer l’origine du nom – issu
de Portland et son très sexy leader Courtney Taylor,
excellent compositeur de musiques.
Entre
le destructeur Newcombe et l’humble Taylor
s’installe une étrange relation où la fascination cède
petit à petit la place à la répulsion. Au début, les
deux groupes pensent mener leur carrière de front en
s’apportant aide et idées mutuelles. Mais la folie de
Newcombe – quel grandiose personnage de cinéma
! – et le succès grandissant des Dandy Warhols
ont raison de la belle entente. Alors que The Brian
Jonestown Massacre sillonne les Etats-Unis en se
produisant dans des concerts merdiques dont la plupart
vire à la baston générale, The Dandy Warhols
accèdent à la consécration : clips luxueux,
tournée internationale, reconnaissance européenne.
Pourtant Taylor pense toujours au travail de Newcombe,
persuadé qu’il est perpétuellement en avance de
trois ans sur lui, lui qui a mis pas mal d’eau dans
son vin.
Nul
besoin d’être un aficionado de la musique des deux
groupes pour apprécier l’excellent travail de la réalisatrice
Ondi Timoner. En s’inscrivant dans la durée,
elle nous permet de mesurer l’évolution en parallèle
des deux formations. Elle se livre aussi à une
revigorante réflexion sur le mariage toujours houleux
et source de compromis sinon de compromissions entre art
et industrie. Le film est entrecoupé d’interviewes de
producteurs et d’agents compatissants, arrangeants et
d’un cynisme incroyable. On se demande d’ailleurs
comment The Brian Jonestown Massacre qui ne vend
quasiment aucun disque arrive à survivre (ses membres
sont tous sans résidence fixe) et à trouver les
quantités de drogue et d’alcool englouties.
Dans
Dig !, les pupilles du spectateur sont
certes mises à rude épreuve : déferlement
d’images souvent tremblantes, abondance du texte entre
sous-titres et identités de tous les intervenants mais
le jeu en vaut la chandelle. Il est évident qu’Ondi
Timoner sait être là quand il faut, en retrait
mais captant les moments cruciaux, cocasses et
burlesques la plupart du temps, parfois tragiques. On
sort de la projection groggy et convaincus que ce milieu
est un joli panier de crabes. On est aussi complètement
bluffés par l’extraordinaire personnalité de Anton
Newcombe, qui vaut bien à lui seul un film. La réalité
dépasse largement la fiction.
Pour
tout amateur de rock qui se respecte, la vision de Dig !
est incontournable. Elle est toute aussi nécessaire
pour qui s’intéresse aux rapports humains, aux rêves
perdus, aux amitiés brisées.
Patrick
Braganti
Film
américain – 1 h 47 – Sortie le 13 Avril 2005
Avec
les membres des groupes The Dandy Warhols et The
Brian Jonestown Massacre
Plus+
www.dig.fr
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