Elle
est des nôtres de
Siegrid Alnoy
Premier long métrage après quatre court métrages,
pour une réalisatrice française, Siegrid Alnoy.
Elle y révèle un talent de mise en scène d’une
grande maturité, ainsi qu’un sens de la prise de
risques artistiques peu habituelle !
Le "pitch" : Christine Blanc,
trentenaire intérimaire en mal de solitude, est aussi
incolore que son nom, et a beaucoup de mal à s’intégrer
dans la communauté des hommes. Pourtant, ce n’est pas
la volonté qui lui fait défaut: elle en ferait même
un peu trop… C’est juste qu’elle n’est jamais
vraiment dans le timing, trop présente quand il
faudrait être plus discrète, trop discrète quand il
faudrait s’imposer plus… Ne provoquant chez autrui
qu’une indifférence molle et polie, parfois
souriante… Une séance impromptue de natation va tout
changer et la révéler à elle-même…
Derrière cette histoire étrange de personnage tout en
solitude et mal être, se dessine une femme étonnante.
Tout à la fois froide et sensible -d’une sensibilité
exacerbée et douloureuse-, consciencieuse et amorale,
cruelle, et par moments, rieuse, contrôlée et
impulsive. Une femme en tout cas très déroutante…
tant pour ses proches que pour nous, les spectateurs,
qui assistons, effarés, à la lente métamorphose de
cette « héroïne » un peu spéciale… qui
pourrait d’ailleurs faire penser à certains
personnages du romancier Régis Jauffret.
Les partis pris filmiques sont osés et séduisent
d’autant plus. Il y a dans ce film des images
magnifiques derrière des lieux plutôt lugubres.
L’actrice du rôle, Sasha Andres (une révélation !)
semble surnager, figure presque abstraite d’une société
en perdition… Seul bémol, j’ai trouvé qu’une
petite scène était superflue, vers la fin du film,
celle où le signifiant refait surface complété d'un
discours à mon sens trop intello et ampoulé sur la
solitude. Jusque là, Siegrid Alnoy avait réussi
à nous accrocher subtilement avec, notamment, une maîtrise
de l’image bluffante: le paradoxe étant d’avoir réussi
la gageure de nous attacher au personnage, pourtant fort
antipathique à certains moments…
Le regard que porte la cinéaste sur notre société est
dur, acéré et féroce. Le constat: implacable. Le
miroir qu’elle nous renvoie sans complaisances. Les
jeux de pouvoir entre les uns et les autres sont cruels,
acides et sans états d’âmes. Seuls les plus forts résistent,
les autres ne sont que des pions, asservis, qui peuvent
à tout moment basculer vers le néant. Et au milieu de
toute cette noirceur, une lueur d’espoir, au travers
d’une relation d’amitié incongrue, presque
innocente.
Film à éviter les jours de spleen, il est en tout cas
la signature d’une réalisatrice qu’on devine déjà
passionnée, implacable, singulière. Comme son
personnage en fin de compte.
Cathie
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