L’Etoile
du soldat a une résonance bien particulière :
sa sortie suit de quelques mois la mort par
suicide de son réalisateur Christophe de
Ponfilly, journaliste intransigeant et
clairvoyant, devenu le grand spécialiste de
l’Afghanistan. Sur les drames de ce pays, de
l’intervention militaire de l’URSS dans les
années 80 pour soutenir le gouvernement en place
dans la lutte qui l’oppose aux Moudjahidin à la
prise de pouvoir par les talibans en 1996 qui
instaurent un islamisme radical jusqu’à
l’assassinat du Commandant Massoud deux jours
avant les attentats du World Trade Center, le
journaliste autodidacte n’a eu de cesse à
travers ses multiples documentaires d’alerter la
communauté internationale sur la situation
afghane.
Après
sa longue expérience comme documentariste, Christophe
de Ponfilly avait souhaité se tourner vers la
fiction, imaginant que le recours à une forme
plus accessible au grand public imprimerait
davantage de force à son travail.
L’Etoile
du soldat est inspiré d’une histoire vraie,
celle de Nikolaï, (Sacha Bourdo habité et
convaincant) un soldat russe envoyé sur le
terrain afghan malgré lui, fait prisonnier puis
adopté par des Moudjahidin, qui sera assassiné
après sa libération quelque part au Pakistan.
Parmi les combattants afghans se trouve Vergos,
journaliste venu clandestinement filmer le
conflit. Le film est à la fois un film de guerre :
recrutement des soldats, installation dans le camp
isolé et combats et une espèce de conte frisant
avec un manichéisme revendiqué : les Russes
envahisseurs et barbares contre les Moudjahidin
dignes et résistants. Peu importe, on savait
depuis longtemps de quel côté le journaliste
penchait.
Vergos
et Nikolaï sont probablement les deux versants de
Christophe de Ponfilly : le
journaliste engagé que l’on découvre au sommet
d’une montagne afghane commentant sur son carnet
de bord les événements du 11 Septembre 2001 et
le soldat, musicien et antimilitariste, se
trouvant une nouvelle famille au milieu des
Moudjahidin et de leurs familles.
L’Etoile
du soldat parvient à rendre compte de
l’extraordinaire fascination exercée par
l’Afghanistan et son peuple. C’est enfoncer
des portes ouvertes que de rappeler la beauté des
paysages et la dignité d’un peuple qui a érigé
en valeur morale l’humour comme rempart ultime
à toutes les humiliations. Si les Afghans sont un
des plus beaux peuples de la Terre (port altier,
regard clair et intense, classe naturelle dont
Massoud fut le plus charismatique des
porte-parole), ils sont aussi emplis d’une force
incroyable, prêts à braver tous les dangers
contre l’occupant soviétique.
Commenté
par une voix off un tantinet didactique, celle du
comédien Philippe Caubère, chargée de
situer le film dans l’Histoire, L’Etoile du
soldat est aussi par moments une tentative de
réflexion sur comment penser et filmer la guerre.
Il faut donc voir ce film testamentaire,
aboutissement hélas précoce de l’œuvre d’un
homme intègre, idéaliste et absolutiste, à
jamais brisé par la disparition de Massoud, de
plus en plus incapable de résoudre l’écartèlement
entre vie orientale et occidentale.
Patrick
Braganti
Drame
français – 1 h 45 – Sortie le 22 Novembre
2006
Avec
Sacha Bourdo, Patrick Chauvel, Mohammad Amin
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