Exils
de Tony
Gatlif
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Voici un film personnel (le cinéaste Tony Gatlif
se revendiquant « aussi bien gitan, français que
berbère »), foutraque et sympatoche, plein de
musique et de digressions, qui raconte quelques jours de
la vie de zano, fils de pieds noirs, et de sa « moitié
d’orange », Loubna, qui font la route pour aller
en Algérie « retrouver le souvenir ». Mais
la route à la Gatlif est joyeuse, rien à voir
par exemple avec la route d’une Agnès Varda (« Sans
toit ni loi ») ; les mésaventures sont ici tout
du long ponctuées de rencontres, de musique et souvent
de gaieté, et même s’il y a de la pluie et des
moments de mélancolie qui glissent, ils ne durent pas
longtemps, et la vie reprend vite ses droits !
Certes, le scénario ne brille pas par son originalité,
les dialogues sont un peu maigrelets, mais qu’importe,
là n’est pas l’essentiel, car ce film dégage un
charme espiègle, à l’image de ses deux interprètes
(Romain Duris et Loubna Azabal). Et
comporte surtout des instants de grâce qui surviennent
au détour, des scènes de musique et de folie qui
pulsent, des moments plus graves et pudiques qui
s’immiscent sans s’appesantir, bref tout plein
d’instantanés qui font que ce film vit sa vie, avec
ses maladresses qui en font aussi sa singularité, dans
un cheminement lui aussi qui s’invente à chaque pas.
Prix de la mise en scène à Cannes, peu importe que ce
choix soit mérité, car le coup de projecteur le vaut
bien, pour ce film instable, ouvert, en transformation,
instinctif et physique, comme la « route »
qu’il décrit si bien, cette quête d’un en-soi pour
découvrir et se découvrir, qui ouvre à d’autres
possibles, et surtout à la liberté. En bref, voici un
petit film sans prétention aucune, qui donne envie de
voyager, et qui sait parler finement et sans lourdeur
des racines, de ces empreintes et cicatrices qu’on
porte en soi, et parfois bien malgré soi.
Cathie
Maillot
Français
– 1 h 43 – Sortie le 25 août 2004
Avec Romain Duris, Lubna Azabal, Leila Makhlouf, Habib Cheik, Zouhir Gacem
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