La
Faute à Fidel appartient à la catégorie
bien pourvue des films honnis et méprisés par
une majorité de la critique et appréciés des
spectateurs. Ici, on se targue d’appartenir aux
deux espèces, et sans doute plus à la seconde,
restons modeste. C’est pourquoi la note est-elle
moyenne pour un premier film charmant, sans grande
surprise quant à sa mise en scène, truffé de
bons sentiments, mais non dénué d’un regard acéré
sur une période révolutionnaire désormais révolue.
Révolutionnaires,
Marie et Fernando sont en train de le devenir.
Fernando hébergeant sa sœur, récente veuve
d’un mari tué par les franquistes, prend
conscience de la situation de son pays natal et se
passionne pour les événements chiliens (l’élection
de Allende et le coup d’état qui suivra). Marie
journaliste à Marie-Claire et militante féministe
recueille pour en faire un livre les témoignages
de femmes avortant dans la clandestinité. Le
jeune couple voulant mettre en adéquation ses idéaux
humanistes et son mode de vie déménage pour un
plus petit appartement qui devient un lieu de réunions
nocturnes et enfumées. Pour Anna, neuf ans, ce
bouleversement est une catastrophe qu’elle n’a
pas l’intention d’accepter sans réagir. Mener
une vie spartiate dans un logement étriqué où
elle ne peut plus recevoir ses copines, devoir
abandonner les cours de catéchisme selon la
volonté de ses parents, manger des trucs bizarres
et supporter le défilé de nounous grecque et
vietnamienne, non merci vraiment pas pour Anna qui
préfère aller passer des vacances chez ses
grands-parents, bourgeois bordelais, outrés par
l’orientation prise par leur fille Marie.
La
faute à Fidel possède, il faut l’admettre,
une esthétique de téléfilm et n’a pour le
coup rien de…révolutionnaire dans son
dispositif. Néanmoins, sous son apparence de comédie
dramatique légère, le film révèle plus de
nuances et de subtilité que prévu. C’est
d’abord audacieux de passer à travers le prisme
d’une enfant de neuf ans une époque agitée et
compliquée se soldant par l’engagement de ses
parents, soudain moins disponibles et animés de
sentiments altruistes qui lui passent largement
au-dessus de la tête. Et il est tout aussi culotté
de faire d’Anna une petite fille plutôt
horripilante, facilement boudeuse, franchement réac
dans sa revendication clamée haut et fort de son
confort. Une Anna que l’on pourrait percevoir
comme égoïste et gâtée, mais qui est seulement
chamboulée dans ses repères et ses habitudes. Julie
Gavras dépasse le cliché en réfléchissant
à travers les questions coriaces et pleines de
bon sens d’Anna sur l’engagement politique des
années 70. Les déclarations d’intention
lyriques et les grands discours n’étaient guère
suivis d’actes, si ce n’est quelques
participations sympathiques aux manifestations
parisiennes.
La
cinéaste montre ainsi comment l’esprit critique
et le discernement ne vont pas de soi. Avec
maladresse et en ne respectant pas toujours son
statut d’enfant, Fernando et Marie tentent
d’inculquer cette capacité de jugement et de réflexion
à leur petite fille, qui devrait lui permettre de
faire les bons choix. C’est dans cette tentative
– forcément aboutie – d’ouvrir Anna au
monde et à l’Autre que La Faute à Fidel
est le plus convaincant et le plus touchant.
Ponctué
de très jolies scènes – une orange pour
expliquer le partage des richesses – et servi
par la formidable interprétation de la jeune Nina
Kervel-Bey, le premier film de Julie Gavras,
dont on note au passage l’influence exercée par
son père Costa-Gavras, se laisse agréablement
regarder grâce à sa tendresse piquante et sa
sensibilité pas mièvre.
Patrick
Braganti
Drame
français – 1 h 39 – Sortie le 29 Novembre
2006
Avec
Nina Kervel-Bey, Julie Depardieu, Stefano Accorsi
Plus+
www.lafauteafidel-lefilm.com
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