Un
fil à la patte de
Michel Deville
[1.5]
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Georges Feydeau n’avait pas été depuis longtemps
adapté au cinéma et à voir Un fil à la patte, on se
prend à regretter que le septuagénaire et prolifique Michel
Deville n’ait pas résisté davantage à sa
tentation d’adapter le célèbre auteur dramatique du
début du vingtième siècle, observateur acide des mœurs
de son époque à travers des vaudevilles qui firent les
beaux jours de feu Au théâtre ce soir.
Cet
univers d’amants et de maîtresses, de portes qui
claquent, d’imbroglios en cascade et de deus ex
machina trouve tout son sens sur une scène servi
par des comédiens à l’abattage indéniable. Sa
transposition au cinéma n’évite hélas pas l’écueil
prévisible du théâtre filmé.
La
pièce de Feydeau date de 1890 et sous fond d’une comédie
conjugale il dénonce la cupidité et les manigances de
ses contemporains. Bois d’Enghein (Charles Berling
qui finira à poil comme dans la plupart de ses
prestations – est-ce une clause de son contrat ?)
est l’amant de Lucette (Emmanuelle Béart pétillante
et gourgandine à souhait). Il est sur le point de
rompre pour se marier à la jeune Viviane (Sara
Forestier) jolie fille richement dotée de la
baronne Duverger. Entre-temps, le nouveau riche Irrigua
(Stanislas Merhar beaucoup moins tourmenté qu’à
l’accoutumée) veut avoir Lucette comme maîtresse la
comblant de fleurs et de bijoux. Tout ce petit monde
papillonne et intrigue pour mieux atteindre ses
objectifs vénaux et ses ambitions personnelles. Pas
joli, joli cette société des bourgeois – anciens et
récents - décrite il y a plus d’un siècle. Pas sûr
non plus que les choses aient vraiment changé.
Les
êtres ambigus et manipulateurs ont toujours fasciné Deville
qui leur a offert de plus ou moins beaux écrins,
desquels la perversité et le cérébral étaient
rarement absents. Un fil à la patte, avec ses
nombreux personnages et ses réparties bien balancées,
renvoie étrangement au Paltoquet, un petit bijou
de 1986 aux dialogues finement ciselés. La mise en scène
y était déjà virtuose et inventive, ce que Deville
brillant technicien a toujours su faire. Donc pas de
reproche véritable à adresser au cinéaste sur ce plan :
filmage enlevé et rythmé tout en glissades et
claquements de portes, zooms sur des détails de la
physionomie des acteurs, mouvements chorégraphiés de
la caméra. On sent bien que tous les comédiens s’en
sont donné à cœur joie et à proprement parler on ne
s’ennuie pas, d’autant plus que le film dure à
peine quatre-vingt minutes.
Ne
pas s’ennuyer ne signifie pas être passionné ou
subjugué. Loin s’en faut : les batifolages et
coups bas de Lucette et ses soupirants, même s’ils révèlent
les travers éternels des humains, ne nous captivent guère.
Sans doute parce que la société dépeinte par Feydeau
nous paraît bien désuète, frivole et inconsistante.
Et ce n’est pas l’irruption ridicule et intempestive
d’un téléphone portable qui insuffle de la modernité
à l’histoire.
Tout
ceci donne in fine une impression d’apprêté et de
boursouflé et fait l’impasse sur la dénonciation
autrement plus mordante des agissements entremêlés et
grotesques de ces pantins intéressés, mais pas intéressants.
Un énorme casting si mal employé, ça frise la faute
professionnelle chez un vieux briscard comme Deville.
Patrick
Braganti
Film
français – 1 h 20 – Sortie le 27 Avril 2005
Avec
Emmanuelle Béart, Charles Berling, Dominique Blanc,
Patrick Timsit, Mathieu Demy
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