Free zone de
Amos
Gitaï
[1.0]
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Rien de plus terrible pour un spectateur que
d’avoir envie de quitter la salle au bout de dix
minutes. C’est pourtant le sentiment qui peut habiter
raisonnablement tout individu épuisé et énervé par
un long plan à peu près fixe d’une jeune femme en
larmes à l’arrière d’une voiture en plein Jérusalem
dont on ignore bien sûr les raisons du chagrin lacrymal
et hoquetant. A quoi il faut ajouter en accompagnement
musical une barbante chanson, espèce de comptine qui
nous en remet une couche à chaque couplet. On en vient
à implorer un mouvement : de la jeune femme qui se
mord les lèvres, se calme et rejaillit en larmes de
plus belle ; de la voiture visiblement à l’arrêt
pour une raison également inconnue ; de la caméra
dont on guette la moindre oscillation. Rien n’y fait :
fi de symbolique introuvable, de message subliminal, la
rage a déjà envahi l’esprit du spectateur. Elle sera
sinon ravivée du moins entretenue au cours des
soixante-dix minutes suivantes. Le dernier Amos Gitaï
provoque l'abattement et in fine la déception. Quel
dommage car au fond nous aurions voulu aimer et donc défendre
un film porteur d’espoirs, proposant à travers la
trame de son histoire une possible voie de réconciliation
entre Israéliens et Palestiniens.
Pour Amos Gitaî, cinéaste talentueux et
prometteur, auteur de Kippour et Kedma, il
faut aujourd’hui placer ses espérances du côté des
femmes. Free zone va ainsi en réunir trois :
dans un premier temps, la jeune femme chagrinée,
Rebecca (Natalie Portman de plus en plus effacée
au fur et à mesure que le film avance) une Américaine
d’origine juive qui vient de rompre avec son compagnon ;
Hanna ( Hanna Laslo prix d’interprétation féminine
à Cannes, ah bon ? ), israélienne conductrice de
taxi (la voiture en question) en route pour la Jordanie
où elle doit récupérer une somme d’argent à la
place de son mari souffrant. Elles rencontrent au cours
de leur périple mouvementé dès le passage de la
frontière Leila, (Hiam Abbass toujours très
bien) une Palestinienne lâchée par ses pairs et proche
d’un homme surnommé « l’américain »
au centre des affaires qui intéressent Hanna. Malgré
elles, le lien s’opère entre les trois dans un échange
houleux et têtu, à base d’anglais, d’arabe et
d’hébreu.
C’était donc une superbe idée que de faire
coexister trois femmes de nationalité différente, dont
deux farouchement opposées et la troisième en témoin
vainement pacificateur, enfermées dans un taxi
traversant un pays exsangue, anéanti par des années
d’attentats. Même sans parler de l’impact purement
politique, Amos Gitaî avait en main un ressort
dramatique évident. Hélas, l’utilisation excessive
du taxi comme milieu clos cloisonne le film qui en
devient asphyxiant. L’arrivée dans le village
jordanien en proie aux flammes n’amène pas
grand-chose à l’histoire, qui se termine sur un
dernier plan tout aussi fixe et tout aussi long que le
premier. Et pas moins crispant.
Amos Gitaî passe à côté de ce lieu
improbable et unique : une zone libre à cheval
entre Irak, Syrie, Jordanie et Arabie Saoudite où le
commerce exercé sans douanes ni taxes est roi dans un
climat de paix arrangeant tout le monde. Après le raté
et scabreux Terre promise, on est franchement
inquiets pour le cinéaste à qui on souhaite de vite
retrouver son inspiration.
Film
Israélien – 1 h 33 – Sortie le 9 Novembre 2005
Avec
Natalie Portman, Hanna Laslo, Hiam Abbass
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