cinéma

Head-on de Fatih Akin  

 

 

    Après une courte hésitation, c’est bien 5 étoiles que je choisis de donner à ce film, ne serait-ce qu’à cause de l’interprétation des deux acteurs principaux, en particulier de Sybel Kekilli qui s’avère être d’entrée de jeu (c’est son premier film) une actrice exceptionnelle !

 

    Ce film turquo-allemand de Fatih Akin, qui a raflé plusieurs prix au festival de Berlin (l’Ours d’or, le prix de la mise en scène, les prix d’interprétation masculine et féminine), est une histoire violente de rédemption, et paradoxalement, un film plein de vie !

 

    Voici donc la rencontre a priori improbable entre deux turcs allemands - Cahit, un éclopé marginal, malmené par la vie et par là-même ingérable, et qui, à défaut de vivre, survit (impeccablement interprété par Birol Unel, très séduisant dans le genre trash-sexy !) - et Sybel, une jeune musulmane qui aime, elle, trop la vie et ses plaisirs pour pouvoir supporter les pressions de sa famille. Et ces deux là, à partir d’un mariage blanc symbole de liberté pour l’une, dont le contrat semble bien trop lisse pour pouvoir être respecté, vont apprendre à se confronter l’un à l’autre, dans un duo-duel où chacun va vivre au coup par coup, au coup pour coup aussi, dans un corps à corps où importent peu les convenances. En particulier, le personnage de Sybel, en confrontation permanente avec cette vie qu’elle aime et qu’elle déteste trop à la fois (car elle vit et agit avant tout dans le « trop »), bien loin des règles rigoristes de sa famille, écoute avant tout ses impulsions et pulsions, avec un naturel et une animalité qui balayent tout ! Au risque d’être parfois rabaissée au rang de « chose », notamment dans une scène qui n’est pas sans rappeler le personnage de Bess dans « Breaking the waves » de Lars Von Triers. Au risque surtout que cette vie qu’elle aime trop lui échappe…

 

    C’est donc une belle histoire de rédemption, même si assez dérangeante (car très violente) par moments, où les deux personnages, très attachants, vont petit à petit évoluer à leur insu… et où leur logique auto-destructrice va faire place à quelque chose d’autre, plus apaisé, qui va leur permettre également de renouer avec leurs racines… Car ce film parle aussi de la difficulté de nos jours pour des immigrés (de première et deuxième génération), de trouver leur place dans la société, entre désir d’émancipation et respect des traditions.

 

    Fatih Akin a su éviter le pathos (ce qui n’était pas évident du tout, surtout quand on voit certaines scènes), pour nous livrer un film singulier, sur-vital et instinctif, qui sait bien nous montrer toute l'ambivalence (entre désir de vivre et auto-destruction) vécue par les deux personnages, en proie à une passion qui les dépasse et les malmène. Ambivalence notamment aussi dans leur manière d'aborder l'amour, le sexe, la vie de couple… Et c’est sans complaisance aucune mais avec amour qu’il filme ces deux écorchés de la vie, et qu’il nous livre ainsi un beau film passionnel et sauvage, où les ombres côtoient la lumière, et dont les turbulences ne font pas dans le "tièdasse"... Ca nous change ! Et c’est donc un film à voir d’urgence ! (avant qu’il ne disparaisse des salles…)

 

Cathie Maillot

 

Turquie/allemagne - Durée : 2h00 - sortie le 21 juillet 2004