Voici
trois années, le réalisateur, scénariste et
directeur de la photo Jean-Henri Meunier,
exilé avec sa famille depuis 1995 dans le village
aveyronnais de Najac, tenu comme « un des
plus beaux villages de France », avait
souhaité partager son coup de cœur du lieu et de
ses habitants dans La vie comme elle va,
documentaire truculent exaltant les bienfaits du
retour à la nature, loin du cynisme et de
l’individualisme citadins.
Sans
doute pas rassasié de cette nouvelle vie, Meunier
remet aujourd’hui le couvert avec l’exact
prolongement du film précédent : même lieu
bien sûr, mêmes personnages avec quelques années
de plus et philosophie identique de l’irréductibilité
à la mondialisation ambiante et à la dégradation
écologique de la planète. Forcément, l’effet
de surprise est amoindri et la mémoire revenant,
nous reprenons nos marques, les souvenirs de ces
autochtones, qu’ils soient poètes, anarchistes,
révolutionnaires ou surréalistes en l’âme
remontent à la surface. Meunier a l’air
– et on le comprend – de les apprécier encore
plus, eu égard à cette manière tendre et
complice de les filmer. Sans autre liant que son
territoire géographique sur lequel veille le château
médiéval de Najac, le second documentaire du cinéaste
exilé folâtre et musarde, au gré des
rencontres. Pas très éloigné des terres de José
Bové, Najac réunit une belle brochette de
loustics essentiellement mus par leur indépendance,
leur amour du village et de la nature en général
et leur rejet plus ou moins marqué des systèmes
en vigueur. Les viticulteurs et agriculteurs
locaux perpétuent des traditions ancestrales,
privilégiant qualité et environnement au détriment
de la quantité et de l’usage de produits
chimiques. Tout ceci finit par être idyllique et
renvoie au vieil esprit franchouillard que l’on
connaît bien depuis…Astérix ; les
habitants du petit village de l’Aveyron comme
lointains descendants de ceux d’un autre hameau
armoricain. Ne faisons pas trop la fine bouche :
il y a ici un simple bonheur et un plaisir à
vivre manifeste que le réalisateur relaie avec
fraîcheur et entrain. Frappés au coin du bon
sens, ces vieux terriens remplis de sagesse et de
verve nous communiquent une vision du monde réconfortante
et anticonformiste.
Parmi
la palette bigarrée des habitants, deux hommes
ressortent, qui à eux seuls vaudraient bien un
film. D’un côté, vous avez le chef de gare –
eh oui, il y a aussi une gare à Najac – gros
homme débonnaire, à l’inactivité débordante,
ayant investi à sa façon son lieu de travail.
Son repas sur le quai de la gare, sa lecture de L’Equipe
entrecoupée de siestes profondes, ses rodéos en
mobylette sur les quais et des tas de bois, ses
tests de comparaison entre le franc et l’euro
sont des moments de pure folie, confinant au
meilleur esprit burlesque et débridé. De
l’autre côté, un vieil homme solitaire à
l’activité incessante et absurde. Vivant au
bout d’un chemin vicinal sans issue, entouré
d’épaves rouillées et disloquées de voitures,
l’étonnant mécanicien poète et philosophe,
bricoleur et inventeur infatigable, revisite le
mythe de Sisyphe, en mettant en branle des projets
aussi extravagants que laborieux, menés avec une
énergie salvatrice et dérivative.
Pour
ces deux-là, et pour peu qu’on mette un peu de
côté la propagande antimondialiste bonne enfant
et convenue, Ici Najac, à vous la Terre séduit
par sa drôlerie – ne pas louper les premiers
commentaires de la presse locale -, sa cocasserie
et son humanité.
Patrick
Braganti
Documentaire
français – 1 h 37 – Sortie le 7 Juin 2006
Avec
quelques habitants de Najac
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