Infernal
Affairs
d’Andrew
Lau et Alan Mak
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Si le talent de John Woo, pour son Volte/Face,
n’avait pas été absorbé par le projet hollywoodien,
le casting et le thème du changement de visage, cela
aurait pu donner Infernal Affairs.
Le
jeune Yan (Tony Leung Chiu Wai) est l’élève
le plus doué de l’école de police de Hong-Kong. Le
jeune Ming (Andy Lau) fait partie des dernières
recrues du chef de la mafia locale. Une dizaine d’années
plus tard, ils sont les taupes infiltrées chez leur
ennemi respectif : Yan s’est fait une place de choix
auprès du parrain et Ming gravit les échelons hiérarchiques
de la police.
Une telle histoire pouvait être le prétexte à une
accumulation de quiproquos attendus qui auraient fait
d’Infernal Affairs une comédie. Mais ce n’était
pas le but des deux réalisateurs. Il s’agit plutôt
de donner du spectacle de qualité au public. À
Honk-Kong, et en Asie en général, le marché de la
contrefaçon n’épargne pas le cinéma. Il faut une
vraie oeuvre pour l’attirer dans les salles obscures.
Et le film d’Andrew Lau et Alan Mak
a été un grand succès du cinéma asiatique.
Ce policier respecte le “cahier des charges” propre
au genre : ambiance glauque et poisseuse, fusillades
(donc morts), troubles dans la vie privée des
protagonistes... Celle-ci n’est que très légèrement
approchée, mais de façon très subtile. Une ancienne
concubine croisée dans la rue et la psy de Yan, la
fiancée de Ming avec laquelle il emménage : par
petites touches, les réalisateurs montrent quel rôle
elles jouent dans la vie des deux héros. D’ailleurs,
seuls les personnages féminins semblent savoir où ces
derniers se dirigent, pris dans un duel alors qu’ils
ne se connaissent pas.
Le film alterne de façon très fluide les scènes
“comiques”, surtout monopolisées par les membres du
gang, et les passages dramatiques. La bande originale
joue à ce niveau un rôle important. De très bonne
qualité, elle marie musique traditionnelle chinoise et
rock mordant. Chacun des styles est utilisé pour des
passages générant des émotions similaires. Le fait
d’utiliser le premier style de musique pour une scène
d’action et le deuxième style pour une autre scène
semblable démultiplie les sensations du spectateur et
permet d’éviter le risque de lassitude après
plusieurs passages intenses.
Pour qui a vu In the Mood for Love (de Wong
Kar-Wai), il faut vraiment faire un effort pour
reconnaître Tony Leung Chiu Wai. Du jeune homme
costume-cravate-raie à gauche au flic infiltré ébouriffé,
mal rasé et physiquement usé, la transformation est
bluffante. De même que le jeu : leur comportement est
très juste. Voûté et discret pour Yan, fier sans être
arrogant pour Ming. Les acteurs comme les personnages
deviennent ce qu’ils sont sensés faire semblant d’être,
avec une thématique autour des notions de bien et de
mal bien tressée.
Le seul point noir du film est cette fâcheuse idée que
les réalisateurs ont trop exploité : insérer des flash-back
au milieu des scènes clé pour aider à la compréhension.
Désagréable impression d’avoir un voisin qui vous
chuchote : “Alors, là, il se passe ça parce que tout
à l’heure, il s’est passé ça”, alors qu’on
avait déjà fait le lien. On a alors le sentiment que Lau
et Mak ne font confiance ni au spectateur ni à
leur scénario. Le seul de ces retours en arrière qui
ne perturbe pas le film est heureusement le dernier. Le
final est très certainement une des grandes réussites
du film, qui en compte beaucoup.
Si besoin en était, Infernal Affairs prouve avec
talent que l’expression “cinéma asiatique” n’a
aucun sens. Utilisée fréquemment du fait de
l’engouement récent de l’Europe pour les films de
l’Extrême-Orient, elle gomme les richesses pourtant
bien distinctes des productions japonaises, coréennes
et chinoises en particulier.
Sébastien
Raffaelli
Hong-kongais - 1h
37mn - Sortie le 1er septembre 2004
Avec Tony Leung
Chiu Wai, Andy Lau, Anthony Wong Chau-Sang,
Eric Tsang, Kelly Chen
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