cinéma

Ken Park de Larry Clark    1/2

 

 

 

    Un ciel bleu. Des allées proprettes. Des villas confortables. Des ados skaters. Bienvenue à Visalia, Californie, Etats-Unis, épicentre du monde moderne. On s’y ennuie, on y baise, on y fume du shit, on s’y engueule, on y pète les plombs, on s’y donne la mort même parfois. Pourquoi? Parce que Visalia, Californie, son ciel bleu, ses allées proprettes etc, etc. Et ça risque de continuer encore longtemps, c’est ce que Clark et Lachman semblent vouloir dire. Non pas que leur film soit un lourd pensum moralisateur, bien au contraire. Mais on sait désormais depuis le remarquable Bully, que Larry Clark esquisse les raisons du désenchantement des adolescents américains. Et comme dans son précédent film, ce sont les parents qui sont ici montrés du doigts, qu’ils soient démissionnaires, beaufs, aisés, absents ou tout simplement largués. Ken Park dresse ainsi les portraits de ces 2 groupes (parents et ados) en perpétuelle lutte.

 

    Logiquement, les réalisateurs optent pour un découpage en tableaux et séquences apparemment très distincts, d’égales valeurs et durées, centrés autour de 4 adolescents au background très différent là aussi: Shawn couche avec la mère de sa petite ami; Tate vit (très mal) avec ses grands parents, le plus souvent reclus dans son antre d’apprenti psychopathe (son personnage doit probablement beaucoup à Harmony Korine, scénariste du film); Peaches essaie de se libérer sexuellement de l’emprise d’un père fanatique religieux et Claude enfin, ne sait tout simplement plus où il en est, entre une mère aux abonnés absents et un père alcoolo et incestueux.

 

    Ce sont leurs vies que Clark et Lachman nous montrent dans tout ce qu’elle ont de vrai, juste, laid, cruel et beau. Comme toujours chez l’auteur de Kids, les scènes de sexe ont une grande importance mais on aurait tort de ne réduire Ken Park qu’à une fastidieuse succession de coïts. D’abord parce que ces scènes là témoignent pratiquement des seuls instants de vie pour ces tennagers désemparés, que Clark se garde bien néanmoins de mettre sur un piédestal (il les montre également dans ce qu’ils peuvent avoir de plus puéril, tendance “qui a la plus grosse?”). Ensuite parce qu’il sait les filmer comme très peu: si elle sont effectivement crues et susceptibles de choquer les esprits un peu prudes, il parvient à capter des moments de grâce rarissimes où le temps semble s’être arrêté, comme en suspension.

 

    Ken Park réussit donc ce petit miracle de capter des instants de vérité pour ensuite se transcender dans une sorte d’onirisme doucereux mais précaire: ainsi de la magnifique séquence finale des 3 amants, dont on peut réellement se demander si elle n’a pas été purement fantasmée. A la fois choc esthétique et constat lucide et fondamental, il apporte une preuve, une de plus, de la dégénérescence de ce pays qu’on dit modèle pour tous les autres.

 

Laurent