Kill
Bill : volume 2
de
Quentin Tarentino
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Nous y voilà. Le money
time comme on a coutume de dire en NBA. L’heure des
braves. Le moment de vérité. Et à chacun son objectif :
« Biiiiip » doit aller jusqu’au bout et
dessouder son bourreau-ex amant-père de son enfant ;
Tarantino doit achever son diptyque, en beauté
si possible, et en regagnant la confiance de ceux qui
trouvaient le volume 1 trop référentiel, trop
patchwork, trop sanglant.
A ceux là (en même temps qu’à ceux qui ont été
prompts à l’accuser de mercantilisme en raison du découpage
de son film en 2) il apporte une réponse brillante et définitive :
KB2 est plus proche du Tarantino qu’ils
pensaient avoir perdu, celui, dialoguiste jubilatoire,
de Pulp Fiction (et il est tellement différent
de KB1 que la sortie en 2 films distincts se justifie
totalement, à tel point qu’on a du mal à envisager
un seul opus).
Le volume 2 renoue donc avec la coolitude dont il
s’est fait le plus parfait vecteur cinématographique.
A travers les personnages de Budd ou Bill notamment
(sans oublier la garce sadique Elle/Daryl Hannah),
interprétés avec ce qu’il faut de virilité
nonchalante par 2 acteurs au top, tout en attitude :
Michael Madsen, goguenard comme jamais et surtout
un David Carradine formidable dont on se dit que
la prestance, la classe naturelle et le phrasé moelleux
s’accommodent à merveille des mots ciselés par Tarantino.
De même, l’identité visuelle du film est plus
volontiers marquée par la lumière et les couleurs
chaudes du Texas, qui ramènent à celles, certes
californiennes, mais tout aussi ensoleillées, de Pulp
Fiction ou Jackie Brown.
Tiens, Jackie Brown. C’est sans doute à lui
que l’on songe le plus, quand le formidable et hétéroclite
digest visuel du volume 1 renvoyait surtout aux œuvres
d’autres réalisateurs. Ici, comme dans l’hommage
tarantinien à la blaxploitation, le rythme est plus
lent, plus posé. Il s’agit non seulement d’assouvir
une vengeance, mais aussi de connaître les enjeux
psychologiques entre les personnages, de saisir leurs
motivations, leur nature profonde. Voir la superbe scène
consacrée à Budd, en préambule à son affrontement
avec The Bride : il est videur dans un titty bar ;
il s’y rend, tranquille. Un peu trop même puisqu’il
se fait semoncer par son boss, puis gentiment humilier
par une strip-teaseuse, avant de rentrer dans son
mobil-home et de s’écouter, peinard et penaud, Satisfied
Mind de Johnny Cash, dont les paroles lui
semblent directement destinées. Rien de spectaculaire
donc, ni même de crucial pour l’intrigue, mais on
saisit tout du personnage, notamment de sa déchéance,
lui qui faisait partie de l’élite du crime
international. De même, QT se permet un final en
anti-climax absolument exemplaire (et pourtant
merveilleux), privilégiant la relation Bride-Bill et…
Chuuuuut, on n’en dira pas plus.
Bref : on est bluffé. Bluffé par cette
construction encore une fois impeccable (une bonne fois
pour toutes : ça n’est pas l’intrigue,
simplissime, qui prime, c’est la façon de la dérouler),
par ces scènes d’action haletantes (bien moins
nombreuses certes, mais d’autant plus notables et
d’une précision, d’un graphisme remarquables), par
cette bo aux petits oignons, par cette capacité à
s’approprier un style (le western spaghetti) et à
donner cette impression qu’il est en train de le créer,
là, sous nos yeux. Tarantino recycle, oui peut-être,
sans doute même. Tout comme Bowie en son temps, Beck
aujourd’hui et d’autres probablement plus tard. Et
alors ? Qu’importe, lorsque le talent, et surtout
le plaisir (répétez après moi : PLAI-SIR) sont
de la partie. Du divertissement de ce niveau là,
jubilatoire, stylé, émouvant, intelligent, fédérateur
(rien de péjoratif où de putassier là dedans, plaire
à tout le monde c’est plaire aux blaireaux ET aux
gens bien), on n’a pas le droit de s’en priver. Sit
down, relax and enjoy, c’est encore meilleur que le
volume 1, ce qui n’est pas peu dire.
États-Unis
– 2h15 - Sortie le 17 mai 2004
Laurent
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