cinéma

La Nina santa de Lucrecia Martel   1/2

 

 

    Lucrecia Martel nous avait bluffés il y a quelques années avec son premier long-métrage, La cienaga, qui marquait alors le renouveau du cinéma argentin. Elle nous revient cette année avec La nina Santa, film quelque peu déroutant, dérangeant diront certains, où l’on retrouve d’emblée sa patte (la manière dont elle sait par exemple filmer la sensualité des corps, comme à leur insu…), mais qui n’est cependant pas aussi réussi que son film précédent.

 

    L’histoire fait se confronter une jeune adolescente, Amalia, à un médecin de bonne réputation, le Docteur Jano, marié et père de famille, qui s’est un jour livré sur elle dans la rue à des attouchements quelque peu malsains. Sans savoir qu’il aurait à la croiser à nouveau dans le cadre d’un hôtel où il est invité pour un séminaire. Mais avec Lucrecia Martel, rien n’est simple. Puisqu’Amalia, la "Sainte fille", qui s’interroge sur sa foi (foi qui confine ici à un mysticisme sensuel malgré lui, dans cet univers huis-clos par ailleurs tellement rigide), est persuadée qu’elle peut sauver cet homme de lui-même. Ce dernier étant de son côté attiré, d’une manière beaucoup plus classique, par sa mère, sans se douter des liens existant entre les deux femmes. Chassés croisés donc, non pas forcément amoureux, mais surtout sensuels et sensoriels, qui brouillent ainsi les pistes, et déroutent le spectateur. D’autant que les relations entre les protagonistes sont elles-mêmes souvent déroutantes (comme celle entre le frère et la sœur qui ont pris l’habitude de dormir dans le même lit).

 

    Et dans cette atmosphère parfois incestueuse, lancinante et mystérieuse, faite de non-dits, où les corps s’expriment souvent bien plus à leur insu que les mots ne peuvent le faire, le climat devient de plus en plus pesant, comme sur le point d’imploser, ce que ne montrera pas d’ailleurs la cinéaste dans la dernière partie du film, choix filmique bien plus intéressant parce que plus suggestif.

 

    Lucrecia Martel confirme ici la singularité et l’acuité de son regard, et montre qu’elle sait ainsi comme nul autre mêler la grâce et la pureté au glauque et au malsain (et d’une manière bien plus fine qu’un Lars Von Triers) ; tout cela dans un climat suggéré et suggestif, où l’ambivalence est de mise pour tous les personnages. Cela donne ainsi un film déstabilisant et justement envoûtant, sans jugement moralisateur aucun sur les personnages, amoral diront peut-être certains, mais au final bien plus intéressant, et sachant évoquer très justement cet âge de l’adolescence, pas si innocent que ça, mais pourtant…

 

   Ce film subtil et ambiguë, trouble et opaque, présenté en compétition à Cannes (dont la mise en scène aurait d’ailleurs mérité d’être récompensée), confirme en tout cas que cette cinéaste a un univers bien à elle, et une manière de le présenter bien à elle aussi.

 

Cathie Maillot

 

Argentin - 1h 50 - sortie le 15 septembre 2004

avec Maria Alché, Julieta Zylberberg, Carlos Belloso, Mercedes Moran