La secrétaire
de
Steven Shainberg
Prototype du film indépendant grand public, spécialité
dont Miramax semble s’être fait le champion depuis
plusieurs années, la Secrétaire a obtenu les
lauriers du très hype festival de Sundance, ainsi que
d’un grand public toujours prêt à s’émoustiller
pour un début d’amorce de controverse : il narre
en effet la progressive révélation au monde et à
elle-même de Lee (Maggie Gyllenhaal, beauté
paradoxale et révélation US de l’année en cours),
jeune fille psychologiquement fragile ayant séjourné
en hôpital psychiatrique, à travers son emploi de secrétaire
pour un avocat taciturne (James Spader, juste là),
et surtout à la relation sado-masochiste qui les unit
très vite, pour le meilleur et pour le pire, happy end
inclus, on n’est pas à Hollywood pour rien.
Selon la rumeur, le deuxième film de Steven Shaiberg
serait un subtil et audacieux plaidoyer pour les
sexualités « déviantes », enfin assumées
et déculpabilisées du poids moral de la société.
Mais si le film permet en effet à son personnage
central de se libérer et de laisser de côté ses névroses,
il est surtout une comédie romantique désèspérément
banale, un produit calibré pour cinéphile occasionnel
peu regardant sur l’authenticité et l’originalité
de ce qu’on lui donne à voir.
La
Secrétaire démontre ainsi par A+B que de plus en
plus, le cinéma indépendant américain se repose
uniquement sur le savoir-faire d’aînés consacrés,
pour livrer des films calibrés, politiquement corrects,
inoffensifs et finalement plus hollywoodiens
qu’Hollywood.
Shainberg se contente de réutiliser les recettes
que d’autres avant lui ont mis au point : on
songe ainsi fréquemment à David Lynch. Non pas
à travers un goût pour une certaine opacité
psychologique (voire narrative à défaut, comme dans le
roublard Donnie Darko), ou pour une perversité
auquel le sujet se prêtait pourtant, mais via des
emprunts superficiels aussi évidents que gratuits :
le rideau rouge de Twin Peaks, la musique d’un Angelo
Badalamenti, décidément en roue libre lorsqu’il
ne compose pas pour son cinéaste de prédilection (sa
partition paresseuse de L’Adversaire)… De même
la présence de James Spader ne semble pas destinée à
construire un personnage à part entière, elle agit
uniquement comme un clin d’œil à destination du
spectateur qui ne voit non pas James Spader
jouant un avocat sado, mais James Spader, acteur
de Sexes Mensonges et Vidéo, film indépendant
à succés auquel La Secrétaire voudrait bien
emboîter le pas.
Au lieu de ça, le film se contente de brosser le
spectateur lambda dans le sens du poil, lui offrant une
vision du sado-masochisme finalement caricaturale et
rassurante à l’exception d’une scène véritablement
réussie et culottée (sans mauvais jeu de mots…),
enfilant les clichés les uns après les autres :
les parents obligatoirement borderline, le petit ami
d’enfance tellement-touchant- mais-tellement-ennuyeux
etc etc. Dans sa dernière partie, le film rend ainsi véritablement
les armes de manière honteuse avec une résolution et
des plans dignes du pire Julia Roberts, et un érotisme
neu-neu dont M6 ne voudrait pas pour ses deuxièmes
parties de soirée. Don’t believe the hype.
Laurent
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