La
vie sur l'eau
de Mohammad Rasoulof
[2.0]
|
|
|
|
La vie sur l’eau,
c’est un peu la cour(sive) des miracles version
aquatique : quelque part dans le golfe d’Oman, au
sud de l’Iran, sur un vieux cargo pétrolier rongé
par la rouille et prenant l’eau petit à petit une
communauté disparate d’hommes, de femmes, d’enfants
et de quelques animaux a trouvé refuge au large des
terres devenues inhospitalières. La vie s’y est
organisée, régentée par le vieux capitaine Nemat,
fort en gueule, autoritaire, fournisseur de toutes les
denrées et tous les services que les réfugiés peuvent
bien lui demander. Portable à l’oreille, braillant
ordres et conseils dans un mouvement perpétuel, Nemat règne
seul maître à bord, mettant sur pied en douce la vente
de pièces détachées du cargo. Le réalisateur
s’attache plus particulièrement à quelques membres
du groupe : Ahmad amoureux d’une jeune fille que
son père a promis à un autre, un curieux gamin appelé
« enfant-poisson » passant son temps
à récupérer des poissons échoués dans la soute
avant de les rejeter à la mer, l’instituteur se débrouillant
avec les moyens du bord pour faire cours à la tripotée
d’enfants ou encore ce vieil homme scrutant sans cesse
l’horizon et le soleil.
Un bateau, même un immense pétrolier
couleur sable faisant penser à un fort, on en fait vite
le tour et cette réserve s’applique du même coup au
film. Alors le cinéaste choisit de faire diversion et
de rallonger par des artifices dérisoires une sauce qui
ne prend pas. La rénovation d’une pompe pour puiser
du pétrole et remplir quelques barils que les gamins
jettent à la mer et poussent vers la côte pour les
troquer est filmée avec emphase et complaisance, dans
un ralenti détestable.
Au milieu du film survient néanmoins
une scène tragique à la limite du supportable :
Ahmad qui a tenté de s’échapper sur un canot est
ramené pieds et poings liés au navire. Nemat exige de
lui pardon et reconnaissance de sa faute en tentant de
le noyer sous les yeux effrayés de la communauté réduite
au silence et à la soumission envers le chef.
La vie sur l’eau est
lourdement chargé de symboles : le vieux capitaine
comme représentation de l’autorité sans partage
d’un ayatollah manipulateur, l’enfant-poisson comme
l’espoir possible – ce que souligne avec insistance
la dernière image – et tous les autres comme le
peuple opprimé et soumis. L’intention est louable, le
traitement sans grande imagination ni renouveau.
Lorsqu’ils doivent quitter le navire menaçant de
sombrer, les réfugiés sont conduits dans une région désertique,
berceau improbable d’une nouvelle vie. Un ersatz de
terre promise là aussi bien lourd de significations.
On regrette de ressentir aussi
peu d’intérêt ou de compassion pour cette étrange
arche de Noé, on est juste séduits par l’indéniable
qualité visuelle du film, la beauté de sa lumière. Ce
qui ne suffit certes pas à emporter l’adhésion.
Patrick Braganti
Film
Iranien – 1 h 30 – Sortie le 5 Octobre 2005
Avec Ali
Nasirian, Hossein Farzi-Zadeh, Neda Pakdaman
>
Réagir
sur le forum cinéma
|