Land
of plenty de Wim
Wenders
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Depuis Paris, Texas et L’ami
américain, on connaît le penchant mêlé de
fascination que les Etats-Unis exercent sur Wim
Wenders. En 1997, dans The end of violence,
le réalisateur commençait à s’interroger sur l’évolution
et les dérives de ce pays tant admiré. Ces dernières
années n’ont certainement pas dû apaiser les doutes
du cinéaste. Dans son nouveau film, il choisit de réfléchir
sur la situation américaine après les attentats du 11
Septembre, à travers la vie de deux personnes.
Deux personnes dont les convictions et
la manière de voir antagonique devraient tenir éloignées.
Mais elles sont aussi reliées par un lien familial à
la fois distendu et unique. En effet, la jeune Lana (Michelle
Williams, très bien) revient à Los Angeles après
la mort de sa mère qu’elle a accompagnée à travers
l’Afrique et l’Asie. Elle a dans ses minces bagages
une adresse pour retrouver son oncle Paul (John Diehl
au regard rappelant parfois celui de Bush), un vétéran
du Vietnam dont les traumatismes subis ont été réveillés
par l’effondrement des tours jumelles. Alors que Lana
intègre une mission qui vient en aide aux plus démunis
de toute nationalité, Paul s’est investi dans la
lutte anti-terroriste, traquant au volant d’une
camionnette transformée en Q.G. impressionnant les
signes éventuels de complots ou d’attentats. C’est
la mort accidentelle et peut-être suspecte d’un des
pauvres hères dont s’occupe Lana qui remet en présence
la nièce et l’oncle, chargés de ramener le corps de
la victime à son frère à trois cents kilomètres de
Los Angeles.
A partir d’une trame plutôt banale,
pour ne pas dire faiblarde, Wenders veut surtout
mettre en perspective le délire sécuritaire et la
folie paranoïaque qui se sont emparés d’une majorité
d’américains, persuadés du danger couru par leur
pays. Paul en est évidemment l’archétype :
celui qui est convaincu d’avoir gagné au Vietnam
pleure sincèrement sur l’attaque de son pays et se
croit dès lors investi d’une mission. On ne sait
d’ailleurs s’il faut s’en offusquer ou carrément
en rire. Cette propension à voir derrière chaque arabe
un terroriste potentiel peut faire frémir quand elle ne
frise pas le ridicule. Mais la jeune Lana, que sa
connaissance du monde oriental et sa jeunesse rendent
plus généreuse et plus indulgente, aime son oncle,
avant tout parce qu’il constitue son unique lien de
parenté aux Etats-Unis – son propre père étant
missionnaire à l’autre bout du monde. Dans son désir
d’aider et de comprendre, elle est infiniment
touchante et tend à rendre Paul moins monolithique
qu’il paraîtrait de prime abord. Et donc à ne pas
proposer une énième version manichéenne du monde.
Si l’on peut discuter sur la séquence
finale en forme de pèlerinage à Grond Zero, on est
toujours ravi de constater que Wenders n’a pas
renoncé à son goût pour filmer les grands espaces de
l’Ouest américain, ni à celui des technologies
(notamment ici Internet) et encore moins à la musique (Léonard
Cohen et David Bowie), dont on sait qu’elle
est l’autre passion du réalisateur allemand.
Land of plenty malgré un sujet âpre n’est
pas dénué d’onirisme, ni de joyeuseté. Certes, ce
n’est pas un grand film, ce qui confirme que Wenders
continue à être en panne de
créativité, ce qui le plaçait auparavant dans
la catégorie des grands cinéastes. Par contre, c’est
un film d’un homme engagé, qui s’est donné du
temps, d’abord celui de digérer les événements,
puis celui offert au film même, presque languide, en
tout cas paisible et rasséréné, ce qui lui confère
après coup un certain charme.
Patrick Braganti
Américain – 1 h 58 – Sortie le 22 Septembre 2004
Avec John Diehl, Michelle Williams, Richard Edson
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