Adapté
du roman La route de Midland de Arnaud
Cathrine, Le Passager, tout comme le
bouquin, aurait dû s’intituler La place du
mort. Titre ö combien terrifiant, mais
totalement explicatif d’une histoire dépressive
hantée par l’absence.
L’absence
définitive de Richard, qui vient de se foutre en
l’air, dont Thomas, son jeune frère, dernier
survivant de la famille, doit prendre le corps en
charge, de la reconnaissance désincarnée à la
morgue marseillaise au transfert du cercueil aux
Saintes-Maries-de-la-Mer pour l’inhumation. Et
accessoirement, Thomas devra liquider la maison de
famille, faire table rase d’un passé houleux,
se réconcilier avec ce grand frère détesté et
fascinant et in fine avec lui-même. Le
Passager, c’est lui Thomas, grand jeune
homme encore adolescent, porteur d’une mémoire
traumatisée, proche de l’effacement, qui va
petit à petit retrouver sa propre trace.
Thomas
vient donc s’installer incognito dans la station
portuaire où vécut Richard et y rencontre de
manière anonyme ceux qui traversèrent sa vie :
Jeanne son ancienne compagne tenancière d’un hôtel
minable et désert, accrochée à un passé et un
lieu qu’elle ne veut pas quitter ; le jeune
Lucas, neveu de celle-là, subjugué par Richard,
père putatif évident. Ce qui explique le
rapprochement naturel de Thomas et Lucas, facilité
par le goût commun de la boxe.
Le
Passager est un film puzzle qui se construit
devant nos yeux, tout comme se (re)construit
Thomas, personnage indéterminé, de
l’entre-deux, hésitant. Nous sommes baladés
entre présent et passé, par des flash-back
lourdement significatifs. C’est l’unique point
faible de ce film, dont on aime par ailleurs
l’ambiance mélancolique et triste, renforcée
par l’endroit improbable où il prend place :
un lieu de villégiature qui semble de nulle part,
parsemé de plages et de petits hôtels, une côte
pas mal bétonnée, sans touristes visibles, avec
en arrière-plan des zones industrielles miteuses.
Peu
bavard, film de sensations, Le Passager
signe le passage derrière la caméra de Eric
Caravaca. Un coup d’essai qui est aussi
un coup de maître, tant le cinéaste débutant
parvient à restituer le climat même de l’œuvre
de l’auteur, sombre et neurasthénique.
Le
Passager est un petit bijou précieux et écorché,
pudique et délicat. Et c’est surtout un film
qui se vit beaucoup plus qu’il ne se décrit ou
se relate.
Patrick
Braganti
Drame
français – 1 h 25 – Sortie le 22 Mars 2006
Avec
Eric Caravaca, Julie Depardieu, Vincent Rottiers
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