cinéma

Le Pianiste de Roman Polanski     

 

    Habituellement, les films qui traitent de la Shoah prêtent à de nombreuses polémiques souvent très violentes mais toujours intéressantes car montrant, qu’aujourd’hui encore, traiter d’un tel sujet au cinéma n’est pas chose aisée et donnée au premier réalisateur venu. Pourtant cette fois-ci rien de tout cela, si ce n’est que quelques attaques provenant de critiques blasés, qui au moment du festival de Cannes ont trouvé bon de taxer Le Pianiste d’académisme. Mais heureusement une palme d’or, largement méritée, a très vite balayé ces quelques critiques faciles.

 

    Et c’est donc fort de cette récompense que le film a débarqué sur nos écrans, soutenu d’ailleurs par une presse assez dithyrambique... ce qui est justifié vue la beauté du film.

Car avec Le pianiste, il faut bien parler de très grand cinéma voire même de chef-d’œuvre si on se laisse emporter par son enthousiasme. Polanski, souvent taxé de cinéaste irrégulier, montre avec ce film qu’il n’est pas qu’un simple faiseur d’images mais bel et bien un grand réalisateur et un grand metteur en scène.

   

    Le pianiste, c’est l’histoire vraie de Wladyslaw Szpilman (excellent Adrian Brody, pâle et maladif à souhait et totalement intégré dans un rôle qui lui colle totalement à la peau) juif polonais qui va, grâce à un une connaissance engagée dans la milice, échapper miraculeusement à la déportation et ainsi se cacher durant des mois ici et là en attendant des jours meilleurs. Le film est construit en deux parties : une première axée sur la famille qui, petit à petit, voit son univers et sa liberté se réduire par des lois anti-juifs de plus en plus violentes à leur égard -interdictions en tout genre et port du brassard avec l’étoile de David-  jusqu’à la ghettoïsation et le départ pour les camps. La seconde partie  montre l’errance de Szpilman dans la ville de Varsovie en guerre se transformant au fil du temps en une sorte de clochard fantôme.

 

    Sans tomber dans le formalisme convenu, ni dans l’académisme primaire avec scènes d’émotion et de violence démonstrative, Polanski offre un film juste et distancié sans aucune sensiblerie et émotion gratuite. Même si Szpliman est le personnage central, on ne peut ignorer la ville, scène de toutes les tragédies et acteur omniprésent dans le film. Au départ vivante, elle devient au fil des semaines une prison, un champ de bataille puis un désert de ruines. La seconde partie, la plus intéressante peut-être, du moins la plus forte, montre un homme seul et persécuté, affamé et malade, devant survivre pour sa condition d’homme mais aussi d’artiste. Cette errance, cette solitude, ces silences, car Le Pianiste est un film silencieux, nous ramène au cinéma de Melville, et notamment à L’armée des ombres, dans lequel Lino Ventura, homme traqué, allant de cache en cache lui aussi, doit lutter contre les forces du mal pour sa survie et pour la cause de la résistance française.

 

    Le pianiste se révèle, en plus d’être un témoignage fort sur le ghetto de Varsovie, la déportation et l’histoire en général, être un film sur la solitude, sur le comportement humain, sur l’art et sa survie : Culture et humanisme, deux thèmes fondamentaux et vitaux au bon équilibre de nos sociétés contemporaines.

 

Benoît