Un
film qui ne vaut que pour ses cinq dernières
minutes, démonstration concise de la politique américaine
en matière de vente d’armes (élargie aux pays
membres du conseil de sécurité des nations
unies) faite d’hypocrisie et d’intérêts bien
ficelés où la loi, toute en vides juridiques
savamment orchestrés, sert d’immenses intérêts
financiers. Le message d’une violence toute
relative (surtout en ces temps de chasse au Bush)
ne suffit pas à sauver le film de l’échec
quasi-intégral mais limite un tant soit peu la
casse. Percevant in fine où Andrew Niccol
voulait nous mener dès le départ, on ne peut pas
vraiment lui en vouloir – mais s’interroger
cependant sur les moyens choisis. Car, film
outrageusement didactique, Lord Of War ne pèse
littéralement d’aucun poids fictionnel pour
contrebalancer l’omnipotent discours récité
par la voix off. Le résultat est sans appel :
longue illustration exotique d’un moralisme
facile et volontiers appuyé qui, cependant, sait
parfois mettre en valeur le chaos intégral de
certaines zones de l’Ouest africain, abandonnées
dans leur misère accablante par l’opulent –
et désintéressé - Occident.
Il
faut observer dans ces deux heures de (très) long
métrage, la figure impuissante de l’agent
Valentine, auquel Ethan Hawke prête son
charisme effacé. Toujours un temps de retard,
jamais suivi par sa hiérarchie de fait corrompue,
il incarne cet idéal de justice si constitutif
d’une forme de Bien face au grand Mal auquel Nicolas
Cage prêterait son énergie. Le parti pris du
récit de coller aux semelles du Mal n’est
pourtant qu’un trompe l’œil puisque (discours
final) celui qui travaille pour le (vrai) grand méchant
loup n’est pas forcément celui qui en revêt
l’apparence. Du Bien dupé, voilà
l’exacte position que tient Hawke, intermédiaire
de chair (si l’on veut) et corps du spectateur.
Le
film n’en est pas moins désincarné, sans odeur
(un comble dans ce maelström de lieux et de
textures) ni saveur. Mystère d’Andrew Niccol ou
comment d’un cinéma les pieds sur terre et
volontiers efficace, quand il jouait aux limites
de la SF (Gattaca ou Simone), noyer
la totalité de ses repères (dialogues brillant
de vide : « la première transaction
c’est comme la première fois qu’on fait
l’amour ») dans un bouillon mi-politique
mi-docufiction. Le risque existe, qu’à force de
lourdeurs accumulées, la mise en forme vienne
pervertir le discours véhiculé. Retenons la leçon :
si tu as des choses à dire, soit au moins
convaincant.
Christophe
Malléjac
Film
américain (2005) – 2 H 02 – Sortie le 4
janvier 2006 (Interdit – de douze ans)
Avec
Nicolas Cage, Ethan Hawke, Jared Leto
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