Mon
ami Machuca
de Andrès Wood
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En 1973, le Chili connaît de sauvages affrontements,
des manifestations monstres qui aboutissent à la
destitution et l’élimination de Salvador Allende et
l’instauration d’un régime d’exception par
Pinochet, faisant du pays une dictature appuyée par la
junte militaire. On sait que les dix-sept années
suivantes seront inscrites sous le joug du sinistre
Pinochet et plongeront le pays dans une période placée
sous le signe de l’autorité et de la contestation
grandissante qu’il aura beaucoup de mal à surmonter.
C’est dans ce contexte tragique d’une fin de démocratie
que prend place le troisième long-métrage de Andrès
Wood, jeune cinéaste chilien passé par des études
de cinéma à New York et très impliqué dans cette
histoire à haute teneur autobiographique. Il déclare
lui-même « avoir ressenti un vrai besoin »
de la tourner, et aussi parce que sous de multiples
aspects, elle représente une première fois :
celle du regard d’enfants sur ces événements
« qui regardent, ne jugent pas, ne donnent pas
leur opinion, sont simplement témoins » ;
celle d’un filmage d’une fiction dont l’auteur,
tout juste âgé de quarante ans, a lui-même vécu la réalité
qui en fait les fondements.
Gonzalo
Infante, gamin un rien potelé et criblé de tâches de
rousseur, est un bon élève discret et le
souffre-douleur de quelques camarades du Collège
Anglais pour garçons, un établissement très huppé de
Santiago, dirigé par le Père Mac Enroe, un prêtre
irlandais aux idées progressistes qui l’amènent à
intégrer quelques garçons défavorisés des
bidonvilles environnants, dans le but fort humaniste de
l’apprentissage de la différence, du respect et de la
tolérance. Parmi eux, Pedro Machuca qu’un jeu de
taquin des places dans la classe fait se retrouver juste
derrière Gonzalo. Les deux collégiens que tout oppose
deviennent des amis et font l’expérience de la vie,
celle des premières amours, de la déception et de la rébellion
instinctive. Et surtout assistent impuissants et désarçonnés
au coup d’état sanglant.
La première partie du film est plutôt légère comme
une bluette d’adolescents. Souvent filmée en couleurs
sépia, elle montre le rapprochement des deux garçons,
leur environnement familial et évite tout manichéisme.
En effet riche ou pauvre, chacun a des soucis avec sa
famille : Gonzalo apprécie peu d’avoir à
accompagner son élégante, possessive et frivole mère
dans ses escapades adultérines ; quant à Pedro,
son père est un ivrogne qui a déserté l’insalubre
cabane dans laquelle il tente de survivre avec sa mère
et sa petite sœur. Le ton est alors léger. Nous sommes
au début des années 70, ce que le film reconstitue
parfaitement dans le décor des appartements et
l’habillage musical. Silvana, la jeune cousine délurée
et frondeuse de Pedro, vient s’ajouter au duo et
provoque émois et jalousie chez les nouveaux copains.
Dans
les deux premiers tiers, le climat insurrectionnel et le
coup d’état en préparation ne sont que suggérés :
extraits d’émissions, unes de journaux, slogans
peints sur des murs, banderoles de manifestations.
Pendant
ce temps-là, l’histoire suit son cours, voyant
l’accroissement de l’agitation et des débordements
dans la rue. L’évolution est strictement observée du
seul point de vue de Gonzalo, en train de voir voler en
éclats ses rêves de justice et son amitié avec Pedro
lorsqu’ éclate la violence perpétrée par l’entrée
en scène des militaires.
On peut trouver Mon ami Machuca gentillet et pétri
de bonnes intentions, ce qui n’est pas totalement
faux. Un casting efficace doublé d’une remarquable
interprétation y contribue également. Mais il ne faut
pas réduire le travail de Andrès Wood à un teenmovie
sans aspérités et avec happy end obligatoire. Dans
son propos et son traitement, la référence immédiate
– que revendique le réalisateur lui-même -, c’est
bien sûr Au revoir les enfants de Louis Malle
et plus généralement le cinéma de Truffaut
quand il se penchait sur les affres de l’adolescence.
Il est dès lors difficile de rester de marbre devant
des gosses pris en otages d’événements qui les dépassent
et marqueront durablement leur vie
Honnête
et sensible, d’abord émouvant avec quelques facilités,
puis franchement bouleversant, Mon ami Machuca
est une œuvre populaire au bon sens du terme qui
constituera un honorable et divertissant choix pour une
sortie – en famille ! – du samedi soir.
Patrick
Braganti
Film
Chilien, espagnol, français et britannique – 2 h –
Sortie le 19 Janvier 2005
Avec
Matias Quer, Ariel Mateluna, Manuela Martelli
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