Mon
petit doigt m'a dit
de Pascal
Thomas
[3.0]
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Mon petit doigt n’a pas toujours raison. Il m’indique
certaines voies qui, si elles débouchent sur
d’improbables intrigues, laissent un voile délicatement
posé sur la vérité. Il y a une forme d’élégance
dans cette façon qu’a Pascal
Thomas de filmer une histoire tirée d’Agatha
Christie, cette élégance classique qui est sa
marque et qui se déployait avec délice dans Les
maris, les femmes, les amants ou, dans un esprit
polyphonique renforcé, dans le récent –et moyen- Mercredi,
folle journée !.
L’intrigue, ici, importe peu. Elle n’est que le prétexte
au déploiement d’une certaine vision du monde et des
choses, où les apparences n’ont finalement aucune
valeur car ils ne font que dissimuler –difficilement-
ce qui se joue en profondeur. Les apparences, ce sont
d’abord celles de ce couple bourgeois –Bélisaire et
Prudence (incarnés pas André Dussolier et Catherine
Frot)- où l’homme semble absorber par des
dossiers sécuritaires ultra-sensibles (« Je
m’occupe de la sécurité de tout un continent »)
et la femme, docile épouse un peu fofolle, réduite au
rôle classique de maîtresse de maison veillant sur la
bonne marche de son logis.
Or,
on ne tarde pas à découvrir que, derrière leur vernis
d’importance, les activités de Bélisaire et ses collègues
militaires ne sont pas très sérieuses, qu’il n’y a
-en définitive- pas de quoi en faire toute
une histoire (ce qui, au passage, offre de belles scènes
de comédie). En revanche, là où il serait peut-être
bon d’aller fourrer
un peu plus le nez –suivre le petit doigt de
Prudence, en somme- Bélisaire rechigne. C’est qu’il
est à l’image de tous ces hommes, pseudo maîtres de
la situation mais aveugles à la réalité qui les
entoure et au pouvoir que leur ont pris les femmes (Bélisaire
dit que ‘en
20 ans les femmes ont changé’, mais ça ne semble
pas avoir dépassé, pour lui, le simple stade du
concept). Dans ce film, les hommes repassent leurs
chemises et s’occupent de leurs enfants /
petits-enfants pendant que les femmes enquêtent,
sculptent, servent à boire, commandent l’action. Une
seul scène suffit à tout résumer : lorsque Bélisaire
et le médecin de l’hospice dont les patientes meurent
à tour de bras doivent s’en remettre à une femme
pour déchiffrer une simple lettre qui leur reste
interdite car ils n’ont pas leurs lunettes ( !).
Sans les femmes, point d’histoire, point d’intrigue,
point de salut et point de film.
Comme un écho volontaire à son intrigue, Pascal
Thomas a fait de ses comédiens des figures opposées
à l’image qu’ils véhiculent d’ordinaire. Ainsi
de Valérie
Kaprisky, revenante hallucinée comme sortie d’une
longue nuit de coma depuis ses performances marquantes
des années 80 –toute une génération d’anciens
adolescents s’en souvient encore-, muée ici en
vieille fille bigote, âme dévouée d’un curé
pochetron. Ainsi de Pierre
Lescure ( ! !), ancien Président de Canal
Plus devenu flic moustachu surgissant soudain à l’écran.
Ainsi de Laurent
Terzieff, au jeu parfait, dans un double rôle qui
n’est pas sans rappeler le Faux
semblant de David Cronenberg, en raison surtout d’un point commun qui
saute aux yeux : la revenante Geneviève
Bujold, en vieille sorcière effrayante, qu’on se
réjouit de revoir à l’écran, et qui laisse filtrer
une très douce émotion.
Pascal Thomas
vise –c’est dit littéralement dans le film- à
faire un film pour enfants, entendez aussi pour
adultes-enfants. Un doigt de fantaisie, un soupçon de
fantastique, un peu de sérieux, beaucoup de comédie.
Reste que tout cela ne suffit malheureusement pas à
faire une œuvre achevée. Car l’ennui pointe bien
vite, l’ensemble sonnant assez faux et plutôt froid.
Peu d’attachement véritable aux personnages : on
a parfois le sentiment de suivre un téléfilm (plutôt
réussi à cette aune-là) assez laborieux, et cette
impression pénible suffit, au final, à emporter
l’intérêt réel qu’on y trouvait d’abord.
Christophe Malléjac
Film Français - 1h45 - sortie le 13 avril 2005
Avec Catherine Frot, André
Dussollier, Geneviève Bujold
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