cinéma

Omagh de Pete Travis      

 

 

    Le conflit d’Irlande du Nord qui opposa catholiques et protestants de 1972 à 1998 est encadré par deux événements : le Bloody Sunday et l’attentat de Omagh. Le premier prit place le dimanche 30 Janvier 1972 et vit une marche pacifique pour l’égalité des deux confessions se transformer en émeute sanglante, marquant ainsi le début de la guerre civile. Une triste journée que le groupe de rock U2 érigea en hymne énergique et vengeur et dont Paul Greengrass tira un film juste et réussi en Octobre 2002.

 

    Au printemps 1998 la signature d’un accord de paix prévoit le partage du pouvoir entre catholiques et protestants et fait renaître du coup l’espoir d’une issue possible, qui sera sauvagement balayé quelques mois plus tard le 15 Août par l’attentat d’Omagh, qui demeure le plus meurtrier de tout le conflit avec vingt-neuf morts et des centaines de blessés. C’est l’histoire de cet événement tragique et la constitution d’une association d’aide aux victimes suite à l’absence de désignations de coupables que raconte Omagh.

A son générique, on retrouve le nom de Greengrass comme co-scénariste et co-producteur mais c’est Pete Travis, homme de télévision, qui officie à la réalisation.

 

    Comme pour Bloody Sunday, Omagh se concentre sur quelques personnages pris dans la tourmente de l’histoire. Ici le film se déroule autour de la famille Gallagher, dont le fils Adrien sera tué lors de l’attentat et dont le père Michael prendra la tête du groupe de soutien et d’entraide. Cette manière de mêler petite et grande histoire(s) aussi repérée dans l’excellent Warriors permet l’identification, sinon l’empathie avec les personnages et de rentrer totalement dans le film.

Ce que renforce la première partie, qui s’attelle à la préparation de l’attentat par des membres dissidents de l’I.R.A. au silence et à la détermination implacables et en parallèle à la mise en place des différents protagonistes. Travis réussit à créer une ambiance d’oppression et d’inéluctabilité tout en conservant une distance salutaire. Cette demi-heure à la mise en scène au cordeau et sans ostentations renvoie à la folie absurde de tous les attentas quelles que soient leurs motivations et leur localisation

 

    Vient ensuite le temps du deuil et de l’attente des résultats de l’enquête menée conjointement par Londres et Dublin. Les atermoiements de la police provoquent la colère des familles des victimes et la création du comité d’aide et de soutien, qui n’aura de cesse d’obtenir vérité et réparations. Cette seconde partie tire vers le documentaire et paraît un peu moins captivante : les rivalités politiques et policières entre anglais et irlandais sont difficiles à appréhender dans leur sauvegarde hypocrite d’intérêts et l’intention affichée de maintenir le processus de paix en laissant l’attentat d’Omagh impuni.

 

    Omagh n’a pu voir le jour que par un subtil et respectable travail auprès des familles touchées par l’attentat et Pete Travis a eu à cœur de suivre cette ligne directrice ainsi qu’il tient à le préciser : « Lorsque vous représentez des personnes réelles, il faut être sensible à leur vision des événements, être capable d'adopter leur point de vue et de les impliquer dans le processus de création. Il faut être prêt à raconter leur histoire aussi honnêtement que possible. Vous êtes en devoir de faire le meilleur film possible ».

 

    De l’honnêteté et da la rigueur, Omagh n’en manque certes pas et la composition des acteurs en tête desquels Gerard McSorley en père blessé et charismatique, investi en totalité dans le groupe, contribue au plaisir pris à ce film tenu de bout en bout, à la sobriété et à la pudeur adéquates.

 

Patrick Braganti

 

Film britannique, irlandais – 1 h 46 – Sortie le 23 Mars 2005

Avec Stuart Graham, Gerard McSorley, Michèle Forbes

 

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