Sur
le papier, on ne pouvait rêver meilleure idée :
réunir une belle brochette de cinéastes
internationaux, entourés d’une non moins
excitante kyrielle de comédiens, et les faire
plancher dans un cadre défini : Paris. Une
idée d’ailleurs pas si nouvelle que cela
puisqu’elle avait déjà prévalu au tournage en
1965 de Paris vu par…six réalisateurs
emblématiques de la Nouvelle Vague, revisitant la
capitale à leur manière en échafaudant des
fictions au sein des quartiers.
Aujourd’hui,
les effectifs des réalisateurs retenus ont triplé
et ont dépassé le strict cadre du territoire
français : les américains se voient
attribuer une belle part ; sont en effet crédités
au générique les éléments les plus en vue de
la cinématographie d’outre-Atlantique : Gus
Van Sant, les frères Coen, Wes
Craven et Alexander Payne. Hormis Olivier
Assayas, la représentation nationale fait piètre
figure. Avec tout ce beau monde et un casting à
l’avenant, on était en droit d’être
exigeants et excités. Las, la baudruche gonflée
à l’hélium des rumeurs cannoises s’est vite
raplatie. Sur une thématique centrée sur
l’amour (rencontres, retrouvailles, séparations,
ébauches de possibles), Paris je t’aime
est d’abord un enfilage de petits fragments –
certes enchaînés avec grâce et fluidité –
sans grande originalité, qui distillent ennui et
langueur. S’il y a bien unité de lieu – les
quartiers parisiens intra-muros -, que seul Walter
Salles avec Loin du 16e ne
respecte pas, on ne comprend pas en quoi elle se
justifie. Le film ne renouvelle en rien l’image
de Paris : bien au contraire, il devient le réceptacle
de tous les poncifs et les clichés touristiques :
Montmartre, Tour Eiffel, iconographie de la
Joconde, Pigalle et Père-Lachaise. Nous n’échappons
qu’aux Champs-Elysées.
Le
beau projet né au cours d’une promenade
amoureuse au cœur de la Ville Lumière, malgré
ses belles intentions et la réunion d’un générique
alléchant, pêche très vite par ce qui aurait dû
être sa force : à savoir, sa cohérence,
d’autant plus que chaque cinéaste devait
respecter un cahier des charges contraignant
(tournage maximum de deux jours et nuits, budget réduit
et durée limitée à cinq minutes). Malgré tout,
on sent des cinéastes nullement tenus et
affranchis de toute coercition, qui passent sans
garde-fous leur univers habituel à la moulinette
parisienne : coup de foudre d’un garçon
pour un autre chez Gus Van Sant qui
transforme Gaspard Ulliel en bombe sexy
grunge ; loufoquerie et décalage chez les frères
Coen (leur segment est néanmoins au-dessus
de la mêlée) ; démarche sociale de Walter
Salles, plongée dans le milieu de la musique
pour Olivier Assayas par exemple.
A
l’issue de la projection heureusement clôturée
par le fragment dirigé par Alexander Payne
– qui réussit la parfaite jonction entre Paris
et l’amour, et ressort comme celui qui traite au
plus près le sujet -, on se dit que le format de
la nouvelle, s’il peut fonctionner en littérature,
ne s’applique pas au cinéma. Paris je
t’aime finit par être à l’image des pléthoriques
compilations musicales vantant les bars parisiens :
un fourre-tout chic et choc, qui joue plus sur la
forme et l’apparence que sur le fond et qui érige
l’art du zapping en nouvelle doctrine. Pour ça,
la télévision suffit largement, non ?
Patrick
Braganti
Collectif
français – 1 h 50 – Sortie le 21 Juin 2006
Avec
Fanny Ardant, Gena Rowlands, Juliette Binoche,
Steve Buscemi, Willem Dafoe, Gaspard Ulliel
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