Le
petit lieutenant
de Xavier
Beauvois
[4.0]
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« Tu ne vas pas
devenir mystique parce que tu es dans la police »
reproche gentiment son père à Antoine, venu rendre
visite à sa femme et à sa famille au Havre dont il est
tenu éloigné par son affectation parisienne à la
police judiciaire. Mais pour Antoine fraîchement sorti
de l’école de police, sa montée à Paris, c’est un
choix, presque un sacerdoce . Quitte à être flic,
« pour faire comme dans les films »,
autant être au cœur de l’action et pas dans une
ville de province où a lieu un crime par an, et encore
généralement sans grand intérêt.
A travers l’histoire d’Antoine, surnommé
affectueusement le petit lieutenant par ses collègues,
Xavier Beauvois, cinéaste rare qui signe ici son
quatrième long métrage, s’attache à suivre la vie
d’une équipe de police dans son travail quotidien. Le
réalisateur privilégie l’aspect documentaire, résultat
d’un long travail de préparation et de relations tissées
avec des policiers et s’emploie du coup à démythifier
un métier impopulaire d’une part, attractif d’autre
part pour des jeunes gens désireux d’en découdre ou
de montrer leur zèle à la tâche. Le petit
lieutenant, avec le lait qui perle encore derrière
les oreilles, se confronte vite à une réalité moins
exaltante. Xavier Beauvois montre la quotidienneté
et la routine d’un travail souvent accompli derrière
un bureau, plus rarement sur des théâtres d’opérations.
Sur une trame relativement étriquée où il est
question du meurtre d’un clochard polonais, le film réussit
à atteindre une dimension haletante et même tragique
grâce notamment au soin apporté à la construction des
personnages par petits fragments.
Caroline Vaudieu prend la tête de l’équipe au
moment même de l’arrivée d’Antoine. C’est une
femme flic à l’efficacité reconnue, que la vie n’a
pas épargné et qui a sombré dans l’alcool dont elle
dit s’être libérée. Attirée par le monde de la
nuit, les bars et les rencontres faciles et éphémères,
elle n’a jamais voulu devenir commissaire. Autour
d’elle et Antoine gravitent quelques inspecteurs, des
hommes tout ce qu’il y a de plus ordinaire, un
marocain venu de banlieue, un partisan avoué de la
droite et de ses méthodes plus musclées, un autre plus
vieux, blasé, comprenant mal l’excitation d’Antoine
à assurer une planque nocturne.
Ici
rien que du très banal, pas des super flics à la détente
facile, des super hommes sans états d’âme. Bien au
contraire, Xavier Beauvois filme sans pathos et
avec une infinité de détails – y compris les plus
macabres comme la scène de l’autopsie – des hommes
et une femme dans leur activité prenante. Une équipe
soudée où la hiérarchie n’est pas palpable, où le
commandement d’une femme n’est jamais source de
conflits, où le tutoiement et la distance affectueuse
sont de rigueur travaille dans la solidarité avec
minutie, sans coups d’esbroufe.
Jalil Lespert s’est moulé avec une
facilité et un naturel déconcertants dans le rôle du petit
lieutenant et on est heureux qu’il retrouve un
personnage à la hauteur de son talent. Nathalie Baye
offre à sa composition un mélange de force et de
fragilité dans un cocktail savamment dosé qui fait de
Caroline un magnifique portrait de femme.
Dans
une actualité automnale plus que tourmentée, Le
petit lieutenant ne pouvait mieux tomber dans sa
proposition âpre et tendue de montrer un milieu décrié
par ignorance, sur lequel règnent préjugés et idées
reçues. En mettant en scène des hommes en proie aux
doutes et aux interrogations, Xavier Beauvois
tape dans le mille.
Patrick
Braganti
Film
Français – 1 h 50 – Sortie le 16 Novembre 2005
Avec
Jalil Lespert, Nathalie Baye, Roschdy Zem, Jacques
Perrin
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