Une
belle maison enfouie dans la nature, un couple
Stefan et Anna, leur fils Robert un adolescent
assidu devant son piano répétant un morceau pour
sa prochaine audition, un chien appelé Schumann,
révélant le goût prononcé de cette famille
bourgeoise pour l’art et la musique classique :
quel beau tableau, quel bel équilibre que
l’arrivée inattendue d’un tiers va sérieusement
et durablement ébranler.
C’est
le jeune Paul, fils de la sœur de Stefan,
traumatisé par le suicide récent de son père,
qui débarque à l’improviste chez son oncle,
histoire de distraire quelque temps son ennui et
son chagrin en intégrant le cercle harmonieux et
protecteur de la famille de Stefan. Celui-ci appelé
à Madrid pour ses affaires, la jolie Anna se
retrouve seule avec Robert et Paul. Alors que le
jeune pianiste noie sa peur de l’échec et fuit
l’autorité maternelle dans l’alcool
clandestin, Paul décide de rénover la piscine désaffectée,
lui attirant les bonnes grâces de sa tante, de
moins en moins réticente à sa présence.
Le
déroulement jusqu’au drame final – mineur,
mais symbolique – est assez prévisible mais
cette prévisibilité, qui connaît parfois des démentis,
n’est absolument pas un obstacle. La grande
force de ce premier film, qui plus est film de fin
d’études tourné en vingt-trois jours, réside
en sa maîtrise parfaite, sa tension palpable et
croissante qui transforment un séjour à priori
anodin en un jeu de massacre assaisonné au
vitriol. Matthias Luthardt dissèque avec
une précision d’entomologiste ce microcosme
apparemment soudé et donc séduisant que
l’innocent et charnel Paul fait voler en éclats,
sans prémonition avérée. Le désir de vengeance
naît des événements intervenus chez son oncle,
et non d’une quelconque jalousie motivée par la
différence de classe sociale ou d’un
ressentiment consécutif au suicide de son père.
Le jeune homme semble d’ailleurs courageux et
solide, en dépit des questions perfides de
Robert, à la curiosité malsaine et insistante.
Alors
qu’il est en droit d’être le plus déséquilibré,
Paul par comparaison apparaît bien le moins névrosé.
La belle et manipulatrice Anna voue un amour sans
bornes et pour le moins pervers à son chien qui bénéficie
d’un traitement plus chaleureux que celui réservé
à Robert, dont les regards en coin et les
soudains accès de colère traduisent le mal-être
et la haine pas encore complètement révélée ni
assumée qu’il voue à sa mère.
On
ne s’échappe de la maison que pour des balades
en forêt, une nuit de camping pour les deux
cousins près d’un lac paisible à l’eau
pourtant dangereusement contaminée, plaçant même
les éléments naturels dans un état
d’apparence trompeuse et de réalité
dangereuse.
Pingpong
vient confirmer le renouveau éclatant du jeune
cinéma allemand pour lequel les
dysfonctionnements de la cellule familiale
constituent une inépuisable inspiration – c’était
déjà le terrain investi par Requiem il y
a quelques semaines. Dégagé de toute référence,
libre de toute paternité, Pingpong est un
premier film prometteur.
Patrick
Braganti
Drame
allemand – 1 h 29 – Sortie le 24 Janvier 2007
Avec
Sebastian Urzendowsky, Marion Mitterhammer,
Clemens Berg
Plus+
www.pingpong-film.de
|