Les tanukis, animaux semi-divins de l'archipel nippon, mènent
une vie paisible, voire rabelaisienne, jusqu'à ce
que l'expansion de la ville de Tokyo n'entame
singulièrement leur espace vital forestier et,
par la même occasion, leur enthousiasme. Surprise
par tant d'audace et d'irrespect, la communauté
de tanukis concernée ne sait pas comment réagir
: certains membres prônent l'action violente,
d'autres la tentative de compréhension au nom de
la coexistence pacifique qui a jusqu'alors prévalu
entre eux et les humains.
Les années passent, les anciennes productions du Studio
Ghibli continuent de connaître une deuxième
vie en Europe et n'en finissent pas de nous ravir,
d'autant plus qu'elles gardent une fraîcheur
inaltérable. Ce Pompoko, produit en 1994,
en est la preuve. La gamme des thèmes abordés
est immense et toujours pertinente.
Nettement moins enfantin que Kiki la petite sorcière,
moins anti-modernité que Princesse Mononoke,
ce long métrage d'animation opère un juste
milieu entre le divertissement et la réflexion.
Pour cela, le Studio Ghibli puise au plus
profond du patrimoine japonais en utilisant les
personnages des tanukis. Ils font partie du
bestiaire fantastique du Japon médiéval, qui
n'est autre qu'une variation sur l'animisme. Il
s'agit d'ailleurs là d'une large source
d'inspiration pour l’ami de Takahata, Hayao
Miyazaki, et sa bande. Les parapluies à une
jambe, les monstres-objets, les animaux fantasques
trouvent notamment un fort écho dans Le Voyage
de Chihiro. Le réalisateur utilise cette
croyance traditionnelle de façon tour à tour
ludique (cérémonies joyeuses des tanukis qui célèbrent
leurs "roustons faramineux") et sérieuse
(la mort de nombre d'entre eux est explicitement
montrée).
Evidemment, au niveau technique, Pompoko accuse le
poids des ans. Les graphismes sont simplistes tout
en restant fidèles à l’esprit Ghibli et la
fluidité n’est pas toujours au rendez-vous.
Mais l’ensemble reste efficace et ne nuit pas au
plaisir que l’on prend à regarder le film.
Rythmée de façon plus ou moins heureuse, Pompoko
compte deux-trois longueurs dans les scènes de
prise de décision. Mais cela est contrebalancé
par plusieurs passages très dynamiques de chants,
d’humour ou de scènes d’"ction". On
prend un grand plaisir à suivre les
rebondissements du sort des tanukis et tous les
stratagèmes loufoques qu’ils inventent pour se
débarrasser des humains envahisseurs.
La formule est connue, mais ce long métrage est
bel et bien accessible aux petits comme aux
grands. Sa conclusion (on est presque tenté de
dire “morale“ tant on est proche de la fable)
n’est pas farouchement opposée à la modernité,
mais rappelle l’importance du souvenir des
valeurs anciennes et des traditions. En cela,
cette production est de façon explicite la plus
nippone du Studio Ghibli (avec Mon voisin
Totoro), quand d’autres exploitent des
univers plus cosmopolites, pour ne pas dire
occidentaux (Porco Rosso, Kiki la petite
sorcière, …).
Sébastien Raffaelli
Film japonais – 1h59 –
Sortie le 18 janvier 2006
Avec les voix de : Makoto Nonomura, Yuriko
Ishida, Akira Kamiya…
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