Pourquoi
(pas) le Brésil, de
Laetitia Masson
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D’un côté,
Christine Angot, écrivain polémique et parfois
difficile à suivre, dont la vie a servi de terreau à
sa propre œuvre, qui érige en art l’auto-fiction,
genre très à la mode en littérature. Même si son
dernier et controversé roman Les désaxés
remplace le « je » par le « il »
ou le « elle », elle reste un des auteurs de
référence, qui jette en pâture sa vie sur le papier,
tant par besoin d’exorcisme que par goût de l’écriture.
De l’autre, Laetitia Masson,
jeune cinéaste au début de carrière prometteur, mais
qui n’a pas su tenir les espérances placées en elle.
Pygmalion de Sandrine Kiberlain, elle réalise le
frais et novateur En avoir (ou pas) en 1995, qui
demeure à ce jour son meilleur film. A vendre,
mais surtout Love Me et La Repentie
n’ont pas survécu dans la mémoire des cinéphiles, déçus
par leurs images trop léchées et leurs scénarii déconcertants.
En 2004,
l’adaptation de la première par la seconde a toutes
les caractéristiques du film le plus branché de
l’automne, impression renforcée par la présence à
la bande-son de l’incontournable Biolay. Autant
le dire de suite, le film n’évite pas vraiment ces écueils.
D’abord, il est compliqué à foison, mélangeant
fiction et réalité, projet et préparation du film,
puis son tournage. Le spectateur éprouvera sans doute
quelques difficultés à s’y retrouver et se posera
pas mal de questions sur la motivation de Masson
l’égarée. Ensuite, le film a recours à tous les
artifices mode du moment : éclairage, appartements
dépouillés, endroits chics, look tendance des acteurs.
Même si l’image est belle et les angles de prises
souvent judicieux, rien ne nous est épargné dans cette
volonté de marquage. A quoi, il faut rajouter
l’utilisation surabondante de cette nouvelle forme
d’expression qu’est le « name dropping ».
Autrement dit : la citation à tout va de gens célèbres
(acteurs, cinéastes, auteurs), quand ce n’est pas
leur participation aux frontières du vrai et du faux (Auteuil
et Huster, dans un numéro hallucinant de cabot
donneur de leçons). C’est à mourir de rire, et il
faut reconnaître que Masson ne manque pas
d’humour, comme dans cette scène surréaliste de
recherche d’une grand-mère.
Jusqu’ici,
le lecteur découragé et circonspect aura perdu
l’envie d’aller voir le film. Alors, rajoutons
rapidement que malgré tous ses défauts qui tapent
autant à l’œil que sur les nerfs, Pourquoi (pas)
le Brésil vous bouleverse et vous touche au plus
profond sans que vous ne vous en rendiez de suite
compte. Pourquoi ?
Deux raisons majeures sont à
l’origine de ce coup de poing à l’estomac. Il est
plus qu’évident que Masson a saisi ce qu’était
l’univers d’Angot. Le film bien sûr très
littéraire (lecture en voix off de passages du livre)
reproduit bien la démarche intellectuelle de
l’auteur.
Malgré l’embrouillamini de qui
est qui, le livre, comme le film, est aussi une œuvre
sur la rencontre et sur l’amour. C’est la genèse
d’une histoire d’un couple qui se rencontre, se fait
l’amour et la guerre tout autant, qui produit la force
et l’émotion, et qu’importe de savoir qui est
vraiment le couple en question. Ce qui est aussi une
pirouette logique vers le dernier bouquin d’Angot.
Qu’on trouve cela toc, sans intérêts
est concevable. Pourtant, une des plus grandes qualités
du film est aussi la mise en danger de sa réalisatrice
et de son actrice. Certes Masson se regarde le
nombril, mais la complaisance et l’autosatisfaction ne
sont pas appelées à l’examen. Quant à Elsa
Zylberstein, sa mise à nu n’est pas que physique.
Ici on sent poindre une nouvelle osmose entre une
réalisatrice et son actrice.
Dans son film le moins aimable,
le plus dépressif et le plus bancal, Masson
prouve néanmoins un vrai regard de cinéaste.
Bizarrement, le spectateur troublé et masochiste pourra
aimer cet objet presque laid et franchement détestable
par moments. Paradoxe suprême…
Patrick Braganti
Français – 1 h 32 – Sortie
15 Septembre 2004
Avec
Elsa Zylbertstein, Marc Barbé, Bernard Lecoq, Pierre
Arditi
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