Samaria
de
Kim Ki-duk
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A Séoul, Yeo-Jin et Jae-Young sont deux amis lycéennes,
très différentes de caractère, désireuses de partir
en Europe pour les vacances. Afin de récolter
l’argent nécessaire à l’achat des billets
d’avion, elles ont mis sur pied une petite activité
lucrative. Organisée par la craintive Yeo-Jin, elle
consiste à provoquer des rencontres sexuelles avec des
messieurs généreux auxquels se rend la souriante
Jae-Young. Tout se passe bien sans sordide ni vice
particulier jusqu’au jour où l’arrivée inopinée
de policiers conduit à la chute, puis la mort de
Jae-Young. Et clôture ainsi le premier volet d’un
film qui en compte trois. Un premier volet très réussi
qui montre sans voyeurisme l’amitié presque trouble
qui unit deux adolescentes qui se retrouvent aux bains
publics pour un lavage purificateur et sensuel.
Cette
première partie est aussi une réflexion sur la
difficulté à grandir. Malgré le commerce inattendu et
consentant des deux lycéennes, elles n’en restent pas
moins des enfants, comme Yeo-Jin la fragile qui dort
encore avec un gros nounours et qui refuse d’aller
passer ses examens scolaires.
Le second volet démarre par la recherche systématique
des anciens clients par Yeo-Jin qui se sent coupable de
la mort de son amie et pense obtenir la rédemption en
restituant l’argent gagné. C’est au cours d’un de
ces échanges que le père de Yeo-Jin, policier, découvre
fortuitement l’occupation de sa fille. Ce père aimant
qui élève seul sa fille depuis la mort de sa femme ne
peut supporter cela, se met à la poursuite des clients
dans une chasse de plus en plus violente et impitoyable.
Les
gestes et la détermination du père reposent sur un
malentendu : assimiler les clients à des vicieux
qui profitent des charmes de jeunes filles innocentes et
peu farouches. Voulant protéger sa fille, il ne pense
pas qu’elle puisse être volontaire et ne cherche pas
non plus de motivations à son attitude. Le film
jusqu’alors doux bascule dans la violence la plus
froide. Pas démonstrative mais glaçante quand même.
La dernière partie plus apaisée doit permettre en
principe au père et à la fille de se retrouver au
cours d’un voyage afin d’aller se recueillir sur la
tombe de la mère. C’est la notion de transmission qui
est ici évoquée, notamment à travers
l’apprentissage de la conduite d’une voiture. Tournée
dans un coin désertique, sur des routes en mauvais état
et pas mal inondées, cette partie-là a tendance à
patiner. Au propre comme au figuré. On a peine à
saisir ces longs plans d’une automobile embourbée au
milieu de nulle part. Et le contact entre une fille
muette et un père meurtri a bien du mal à s’établir.
Le jeune réalisateur coréen dont on a pu déjà voir
en France L’île et Printemps, été,
automne, hiver et…printemps est réputé pour ses
exigences artistiques et son extrême violence, dont son
dernier opus n’est certes pas dénué, rappelant au
passage certains films du japonais Kitano.
Mais
il continue aussi à proposer une réflexion
intelligente et personnelle sur le rapport entre le bien
et le mal et leur place respective. Les jeunes filles
aux prétendues coupables activités sont-elles dans le
mal, alors que l’innocente Jae-Young avoue qu’il
s’agit de simples actes d’amour ? Le père
soucieux de morale qui engendre suicide et meurtre
est-il dans le bien ? Vastes questions traitées
avec délicatesse, autour d’un morceau lent et envoûtant
de piano qui procurent à Samaria de vrais
moments de grâce, justifiant l’obtention de l’Ours
d’argent de la meilleure réalisation au dernier
festival de Berlin.
Patrick
Braganti
Coréen
– 1 h 35 – Sortie le 27 Octobre 2004
Avec
Lee Uhl, Kwak Ji-min, Seo Min-jung
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