Saraband
de Ingmar Bergman
|
|
|
|
Le film testamentaire du cinéaste suédois Ingmar
Bergman (âgé de 86 ans) est une partition
minutieusement orchestrée qui décortique sans
complaisance les méandres de l’âme humaine, à
travers une dizaine de « face à face » où
s’affrontent, pour le meilleur et surtout pour le
pire, quatre personnages (cinq personnages si l’on
tient compte de l’épilogue).
La violence des relations, notamment familiales, où se
côtoient silences, secrets de famille, non-dits, rancœurs
qui remontent à l’enfance, deuils non digérés, vie
par procuration, déceptions, mépris, haines,
jalousies, relations trop fusionnelles voire
incestueuses… est portée ici à ébullition ! et
Ingmar Bergman nous livre une réflexion lucide
et décapante sur l’homme – notamment quand ce
dernier se retrouve à l’automne de sa vie, face à
lui-même et à la mort qui l’angoisse et l’oblige
à se regarder en face, au risque de se mépriser et de
ne plus se supporter…
Les acteurs donnent le meilleur d’eux mêmes. Les
plans rapprochés sur leurs visages les mettent à nus
comme jamais, et le spectateur plonge, fasciné, dans la
vérité de chacun de leur personnage, qu’ils portent
à bout portant avec une impudeur magistrale.
Par
ailleurs, le contraste entre le côté rude du film, les
sentiments mis à mal pour Henrik, sa fille Karin,
son père Johan… et un côté paradoxalement
apaisé, notamment si l’on se place du point de vue de
Marianne, personnage pivot du film, lucide mais
bienveillante, est très intéressant ! Même si on
imagine bien aussi, et c’est toute la force de Bergman,
que son film puisse être ressenti et interprété très
différemment pour chaque spectateur.
Chaque plan est en tout cas millimétré, et cette mise
en scène austère (on a l’impression d’être dans
un pièce de théâtre filmée où les décors sont réduits
au minimum pour laisser toute la place au texte,
dialogues et monologues), met d’autant en exergue la
singularité de l’histoire de chacun et l’intensité
des sentiments qui s’y jouent. Et Ingmar Bergman
se montre ô combien respectueux vis-à-vis de ses
personnages, en les laissant exister dans toute leur
complexité (y compris animés des sentiments les plus
inavouables), et sachant renvoyer chacun devant sa
responsabilité. Avec le cinéaste, on ne triche pas, ni
les acteurs, ni les spectateurs.
Il nous livre ainsi un très beau film « entre
chiens et loups », lucide et sans complaisance,
subtil et infiniment juste, décapant et pourtant
porteur d’espoir. Un film tout simplement humain ET
humaniste.
Cathie
Maillot
Film
suédois - sortie le 15 décembre 2004,
avec
Liv Ullmann, Erland Josephson, Börge Ahlstedt…
>
Réagir
sur le forum cinéma
|