La
mécanique des rêves obéit à deux principes :
le psychanalytique mis en lumière par ce cher
Sigmund et le scientifique – cycles du
sommeil, activité cérébrale durant la période
d’endormissement. S’il paraît bien difficile
de dissocier les deux, c’est à coup sûr au
second aspect que s’intéresse davantage le réalisateur
de Eternal sunshine of the spotless mind à
travers une histoire on ne peut plus simple :
après la mort de son père, Stéphane
Miroux quitte Mexico pour regagner Paris où il
emménage dans l’appartement de sa mère. Il y
fait la connaissance de sa voisine Stéphanie dont
il tombe amoureux et occupe un emploi de graphiste
dans un atelier irréel, fabricant de calendriers
publicitaires.
Le
jeune homme à qui Gael Garcia Bernal prête
son charme adolescent et lunaire développe un
univers personnel très étrange, se réfugiant
souvent dans un sommeil peuplé de rêves étranges
dans lesquels il revisite et réarrange son
quotidien tristounet. Après tout, cela n’a rien
d’extraordinaire puisque l’idée de
sublimation et de recomposition est à la base du
monde onirique où certains éléments de la réalité
(objets, bruits, odeurs) parfaitement tangibles
servent de déclencheurs. Sans doute le fragile Stéphane
marqué par la disparition de son père – ce qui
transparaît dans ses peintures représentant
toutes les catastrophes possibles et imaginables
– manifeste t-il une propension plus élevée
que la moyenne à se réfugier dans l’état
protecteur et illimité des rêves dont il essaie
par ailleurs de démonter le processus (la partie
la plus nébuleuse du film).
La
principale difficulté à laquelle se confronte un
tel projet est la transposition à l’écran des
chimères du héros, avec comme corollaire la
ligne de marquage entre les deux mondes, le réel
et l’imaginaire. En ce qui concerne la représentation
visuelle, force est de constater que Michel
Gondry n’invente pas grand-chose, ne
renouvelant en rien les dispositifs qu’il a déjà
mis en place et éprouvés dans ses clips et son
précédent film. L’accumulation de petites
figurines, d’objets en carton qui font de suite
penser à des jouets prouve l’inclination du cinéaste
pour le monde de l’enfance, et partant, sa
difficulté à en sortir. Stéphane et Stéphanie
aux prénoms jumeaux sont aussi reliés par leur
imaginaire et leur incapacité à reconnaître
l’amour de l’autre. A cet égard, La
Science des rêves est d’abord une comédie
sentimentale fraîche portée par l’interprétation
du couple Bernal-Gainsbourg, qui utilise
les rêves comme exutoires des atermoiements de
chacun. La frontière entre les deux mondes est de
plus en plus ténue, mêlant le songe éveillé à
la réalité rêvassée sans que le spectateur
parvienne toujours à la distinguer. Esprits
rationnels, prière de s’abstenir et laissez
vous porter par ce film en roue libre, qui semble
se construire devant nous, prendre mille détours
pour un but connu d’avance.
On
peut néanmoins penser que Michel Gondry épuise
ses dispositifs rapidement et ne parvienne pas à
tenir sur la longueur. Fortement autobiographique,
La Science des rêves marque également le
retour du réalisateur sur le territoire français :
Paris, le XVIIIe arrondissement (ses propres
racines) qu’il appuie par un casting ciselé, se
révélant du coup excellent directeur d’acteurs
– même si Alain Chabat ne se tient guère
éloigné d’une prestation digne d’un sketch
des Nuls.
Au
final, le film offre certes un bon moment léger
et vaporeux, mais les rêves ont aussi cette
caractéristique paradoxale : aussi
merveilleux, aussi troublants soient-ils, on les
oublie avec l’arrivée du jour et le retour à
la (dure) réalité. Ce qui risque bien d’être aussi le sort de La Science des rêves…
Patrick
Braganti
Comédie
sentimentale française – 1 H 45 – Sortie le
16 Août 2006
Avec
Gael Garcia Bernal, Charlotte Gainsbourg, Alain
Chabat, Miou-Miou
Plus+
www.lasciencedesreves-lefilm.com
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