Schizo
de Guka Omarova
[4.0]
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Au milieu des steppes kazakhes, Mustafa attend le bus
avec sa mère pour se rendre chez le médecin. En
apparence, il souffre de quelques problèmes
comportementaux, d’ailleurs il n’a plus du tout
envie d’aller à l’école. Il voulait se « taper »
une fille mais ce sont les filles qui l’ont coincé
dans les vestiaires et l’ont tapé. Mustafa a aussi
des maux de tête périodiques pour lesquels le médecin
plus malade et hypocondriaque que ses patients lui
prescrit une boite de pilules. La mère pleine de
gratitude – elle a amené différents produits
alimentaires en guise de paiement– confie Mustafa à
son ami du moment.
Shizo,
c’est le surnom espiègle de Mustafa, une abréviation
de schizophrène, raccourci pratique pour qualifier l’état
du gamin présenté comme débile. Ce que la suite va démentir
de belle façon. Shizo, placé sous l’aile de
Sakura, est confronté au monde cruel et sans illusions
des adultes. Ensemble ils sont en charge du recrutement
d’hommes costauds et bagarreurs susceptibles de
participer à des matchs illégaux sur lesquels paris et
trafics d’argent foisonnent. L’un d’entre eux
abandonné au fond d’un vestiaire, prêt à mourir après
un combat perdu, fait promettre à Shizo
d’aller porter l’argent empoché à sa petite amie
et son fils. Ce dont le jeune garçon s’acquitte. La
rencontre avec Zinka et son gamin est une révélation :
en tombant amoureux de Zinka et en s’autoproclamant
protecteur du mouflet, la vie de Shizo change de
cap.
Le
premier film de Guka Omarova journaliste de
formation passée à la réalisation de courts métrages
et de documentaires est une petite merveille. Son projet
est né de sa rencontre au début des années 90 avec un
ancien participant à ses matchs cruels dont il était
ressorti les poings gonflés, le nez écrasé et l’âme
désespérée. A cette époque, le Kazakhstan vient
juste d’acquérir son indépendance, personne n’a de
travail, la misère est totale, provoquant l’essor de
la débrouille et laissant la part belle aux trafics les
plus juteux, de la corruption à grande échelle aux
magouilles locales comme celles décrites dans le film.
Shizo
a donc une valeur ethnologique indéniable en nous présentant
l’état déplorable d’un pays par ailleurs
magnifique. Les immenses steppes sous un ciel bleu et
limpide ont la majesté et la beauté des décors dont rêve
tout cinéaste. Sous ce ciel c’est néanmoins le délabrement
qui règne : entrepôts désaffectés, immeubles en
construction laissés à l’abandon et l’état
sanitaire des Kazakhs ne vaut guère mieux. Ici tout se
monnaie comme les fils électriques que l’oncle de Shizo
monte récupérer sur des pylônes (désaffectés ?)
pour les revendre ensuite.
Fort
heureusement, le film va au-delà de son strict aspect
documentaire en proposant le parcours d’apprentissage
d’un adolescent singulier et mutique, roublard et
attachant, dont la probité et l’intégrité le
rapprochent de celles d’Igor, le jeune héros de La
Promesse des frères Dardenne.
Moins
épuré et moins signifiant que le film belge, Shizo
lorgne aussi vers le western par la captation des
violents et authentiques combats de boxe, par les
escapades en moto ou en train à travers les steppes
immenses et nous entraîne dans le sillon de ce grand
gosse interprété avec brio et retenue par Olshas
Nusupbaev, dont on n’oubliera pas de sitôt l’étrange
sourire suivi d’un « Hé hé » tout
aussi énigmatique.
On
est toujours ravis et étonnés qu’un film puisse voir
le jour dans un pays ravagé. Qu’il soit en plus aussi
personnel et réussi, loin de tout folklore, rend encore
plus optimistes quant à la liberté et la force du
septième art comme art du témoignage et du point de
vue.
Patrick
Braganti
Film
kazakh – 1 h 26 – Sortie le 4 Mai 2005
Avec
Olzhas Nusupbaev, Eduard Tabyschev, Olga Landin
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