Tenja
de Hassan Legzouli
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Décidément, le road-movie à finalité thérapeutique
ou initiatique, de préférence vers les pays arabes, a
la cote auprès des cinéastes et est en passe de
devenir le nouveau sujet récurrent du moment. Après le
décevant Exils et l’enthousiasmant Le Grand
Voyage, Tenja permet à Hassan Legzouli
de fourbir ses armes pour son premier long métrage.
Nordine,
fils d’immigré marocain, est né et a grandi dans le
Nord où il s’est fait une bonne situation comme
garagiste. Bien intégré, il n’a nul besoin de se
poser des questions sur ses origines et n’a jamais
manifesté un grand désir de retourner au Maroc, échaudé
par un voyage scolaire où il dut rester à la douane
faute de carte nationale. Le décès de son père et la
volonté de ce dernier d’être inhumé dans son petit
village du Haut-Atlas obligent Nordine à prendre la
route pour acheminer le cercueil du défunt.
Dans ce long périple du nord de la France au sud
marocain, la principale étape est Tanger, porte
d’entrée du pays qui pourrait être refusée à
Nordine pour absence de certificat de décès. La
rencontre et l’intervention efficace de Mimoun, doux
illuminé qui rêve de rejoindre une femme – réelle
ou imaginaire, on ne le sait pas – en Australie lui
permettent de continuer son voyage. Entre Tanger et
Casa, Nordine prend en stop Nora, femme « entretenue »
qui, malgré ses diplômes, ne parvient pas à trouver
un bon boulot, mais souhaite néanmoins retrouver sa
liberté. Elle accompagne Nordine jusqu’à sa
destination finale.
Il
faut entendre le titre à deux niveaux : tout
d’abord, il signifie testament et c’est bien le
respect d’une dernière volonté que Nordine le récalcitrant
exauce. Ensuite une légende prétend que TenJa
fut les mots prononcés par Noé à la vue d’une
colombe les pattes glaiseuses venue se poser sur son
arche. Cette prophétie qui annonce le retour de la
terre fut énoncée face à la future Tanger qui trouve
là naturellement son nom.
Tenja
est un film sobre, subtil et pudique à l’image de son
acteur principal : l’excellent Roschdy Zem
toujours très bien dans un jeu nonchalant, épuré et
avare de paroles ou de gestes superflus. Le réalisateur
a ainsi la bonne idée de ne pas transformer la
rencontre entre Nordine et Nora en histoire platement
amoureuse.
La
rareté des événements – en fait, il se passe peu de
choses dans Tenja – est largement compensée
par la beauté des paysages traversés. Le Maroc est un
pays très photogénique que Hassan Legzouli
magnifie par ses plans larges sur les plantations
d’oliviers, les collines ocres et les pistes poussiéreuses.
Parce qu’il a pris son temps à filmer ce long voyage
comme effrayé par son aboutissement, on regrette
d’autant plus que la dernière partie au village natal
ne soit pas davantage développée. On aurait voulu que
Nordine retrouve quelques fragments de l’ancienne vie
de son père à travers les souvenirs de vieux
villageois immigrés revenus au pays, lui permettant de
mieux comprendre son parcours et ses motivations. Car
Nordine n’a jamais été en conflit avec lui, il
s’est juste senti non concerné par tout ce passé
lointain et miséreux.
Après une dernière halte à Tanger, Nordine quitte le
Maroc en y laissant le corps de son père. On est
certain qu’il en repart différent, grandi, comme dépouillé
et purifié, dans l’acceptation et la réconciliation
des origines.
Il
paraît dès lors évident que Tenja est un
premier film réussi, qui nous touche par sa sensibilité
à fleur de peau, sa sincérité, sa délicatesse et la
justesse de son scénario. Pour toutes ces raisons, il mérite
d’être vu.
Patrick
Braganti
Film
français – 1 h 20 – Sortie le 02 Février 2005
Avec
Roschdy Zem, Aure Atika, Abdoul El Mesnaoui
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