The
machinist
de Brad
Anderson
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Le risque majeur pour The Machinist est de le réduire
à la seule prestation – à la fois époustouflante et
envahissante - de Christian Bale, digne des plus
grandes performances des acteurs tout droit sortis de
l’Actor’s Studio. En effet Bale, dont la
carrière en dents de scie est sauvée jusqu’ici par
deux participations à L’empire du soleil de
Spielberg (1987) et American Psycho (2000), a
suivi un régime draconien pour perdre
vingt-huit kilos, accompagné de nombreuses nuits
d’insomnie. Tout ceci pour être en totale osmose avec
son personnage : Trevor Reznik.
Un
garçon bien étrange que ce Reznik : ouvrier dans
une usine remplie de machines antédiluviennes dont on
doute de la véritable utilité, il partage sa vie entre
Stevie, une prostituée au grand cœur, et des visites régulières
à Marie, serveuse de bar à l’aéroport voisin, qui
lui rappelle beaucoup sa propre mère. Dans son
appartement glauque et dépouillé, des tas de petits
papiers collés un peu partout témoignent de sa perte
de poids inexorable et inventorient une liste de choses
à faire. Comme s’il avait un réel problème de mémoire.
Et qu’il évoluait dans un espace temps dilaté, non
synchrone à celui des autres. En plus d’être d’une
maigreur effrayante qui l’apparente à un rescapé des
camps, Reznik avoue à Stevie ne plus fermer l’œil
depuis un an. L’impression de malaise, pour ne pas
dire d’angoisse diffuse, augmente avec l’arrivée
d’un nouvel ouvrier Ivan que Reznik se met à
poursuivre. The Machinist vire de plus en plus au
fantastique, dévoilant des bouts du puzzle jusqu’à
un épilogue plutôt décevant en regard de la trame
initiale.
Brad Anderson
ne cache pas que son cinquième film est truffé de références :
Kafka et Dostoïevski pour la littérature ;
Hitchcock, Lynch et Polanski pour le cinéma. On a connu
pire comme influences, lesquelles apparaissent tout à
fait logiques compte tenu de l’ambiance paranoïaque
et obsessionnelle qui règne – toutes notions chères
à l’écrivain tchèque. Il est évident que Trevor,
en pleine cachexie, aux yeux exorbités, est en train de
péter les plombs, victime d’hallucinations, en proie
à des harcèlements fictifs ou pas. Tout ceci a lieu
dans une ville indéterminée, au milieu de laquelle trône
un énorme château d’eau, et dans des endroits
lugubres à souhait, ce qui crée d’office une parenté
avec le cinéma barré de Lynch. En fait, rien ne permet
de situer ni de dater le film. Le mélange subtil
d’objets anciens et modernes fait perdre tout repère
au spectateur progressivement troublé et intrigué.
L’absence de tons vifs, mis à part un coupé sport
rouge, l’emploi de couleurs voilées qui génèrent
une ambiance nocturne permanente même en plein jour
accentuent l’étrangeté de toute cette affaire. Anderson
reconnaît s’inspirer de « l’expressionnisme
austère des classiques », à commencer par
les allemands.
Une
autre référence non mentionnée par le réalisateur
tombe pourtant sous le sens : c’est Spider
de David Cronenberg, mettant en scène un délire paranoïde
aux multiples points communs avec The Machinist.
Bon thriller psychologique à la mise en scène maîtrisée
et à la photographie remarquable signée Xavier
Gimenez, The Machinist enserre aisément les
spectateurs dans ses filets sinistres et poisseux en
maintenant pendant sa quasi-totalité un suspense
haletant et pesant dont on ne ressort peut-être pas
franchement détendus, mais en gardant au contraire
quelques contractions au niveau de l’estomac. A chacun
de savoir où il trouve du plaisir….
Patrick
Braganti
Film
Américain – 1 h 42 – Sortie 19 Janvier 2005
Avec
Christian Bale, Jennifer Jason Leigh, Aitana
Sanchez-Gijon
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www.themachinistthemovie.com
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