Si
par une idée saugrenue on associait une couleur
à un cinéaste, c’est de toute évidence
l’ocre qui serait attribué à Fernando
Meirelles. Tout comme dans son formidable précédent
film La cité de Dieu, cette couleur
flamboyante, couleur de terre mais aussi de
visages métissés là, burinés ici est omniprésente.
Et de la même manière, on retrouve un patchwork
de tons vifs et éblouissants, des cadrages à
l’oblique et un filmage énergique. Des procédés
qui aujourd’hui permettent d’identifier de
suite le travail du réalisateur brésilien, sans
que cette façon de faire s’apparente à une
posture ou à des tics. Car la forme sert avant
tout le fond.
Quittant
les favelas surpeuplées de gamins laissés à
eux-mêmes, Fernando Meirelles place ses
caméras au Kenya pour adapter un roman de John Le
Carré, auteur britannique de thrillers
d’espionnage souvent denses et flirtant avec
l’actualité et le politiquement incorrect. A
travers l’histoire d’un couple contrasté,
formé par Justin Quayle un haut fonctionnaire réservé
et obéissant en apparence et par Tessa, une
brillante avocate, véritable pasionaria des
droits de l’homme et du continent africain. A la
suite de l’ assassinat de Tessa maquillé en
crime passionnel, Justin décide d’enquêter et
découvre les accointances des grands laboratoires
pharmaceutiques avec son propre gouvernement et
l’impact auprès des populations africaines réduites
à servir de cobayes.
Dès
lors, le film lorgne du côté du pamphlet, comme
une virulente dénonciation de l’exploitation éhontée
de l’Afrique par l’Occident.
The
Constant gardener est un film passionnant et
haletant qui entremêle une histoire d’amour, de
ses prémices à sa transcendance post-mortem, et
un suspense qui dépasse largement son cadre et
nous emmène du Kenya à Londres en passant par
Berlin. A l’image du roman de Le Carré, le film
de Fernando Meirelles est touffu et
polymorphe, tour à tour drame sentimental, film
d’espionnage et western épique eu égard aux
dernières scènes du film un tantinet
grandiloquentes et appuyées.
Au
sein d’une distribution relevée, on retrouve
avec plaisir Ralph Fiennes (La liste de
Schindler, Le patient anglais, Spider) jouant
avec une étonnante retenue un personnage tourmenté,
passant de la mollesse indécise à la détermination
active et finissant par tomber amoureux de sa
jolie et jeune épouse après sa disparition.
Fernando
Meirelles n’a rien perdu de son efficacité
énergique – parfois un peu trop – en quittant
le continent sud-américain et s’approprie de façon
convaincante le bouquin de Le Carré et la problématique
africaine placée sous le joug de lobbies
internationaux aux ramifications complexes et
interchangeables.
Exceptés
quelques moments virtuoses qui alourdissent la
mise en scène dont on salue par ailleurs la
nervosité, l’ampleur et la brutalité, The
Constant gardener vient confirmer tout le bien
que l’on pensait de Fernando Meirelles.
Patrick
Braganti
Thriller
américain – 2 h 08 – Sortie le 28 Décembre
2005
Avec
Ralph Fiennes, Rachel Weisz, Danny Huston
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