cinéma

The Host de Joon-ho Bong

[4.0]

 

 

Deux ans après le surprenant et réussi Memories of murder – variation psychologique autour du premier cas de tueur en série en Corée du Sud – on attendait avec impatience le nouveau film de Joon-ho Bong. Dans un registre tout à fait différent, si ce n’est la mise en scène de personnages truculents, The Host procure le même plaisir qui tient pour beaucoup à l’univers décalé et imaginatif dans lequel il prend place.

 

A Séoul, la famille Park réunie autour du père vit tant bien que mal grâce à l’exploitation d’un snack près de la rivière Han. Du fleuve dans lequel quelques années auparavant des produits toxiques furent déversés surgit un monstre mutant, mélange de tyrannosaure et de gros lézard avec une gueule en forme de corolle qui engloutit quelques curieux, quelques traînards avant d’enlever Hyun-seo, la petite fille Park, et de replonger au fond de l’eau noire et visqueuse.

Pour le grand-père et ses trois enfants, la mort présumée de Hyun-seo est le drame absolu. Quand celle-ci appelle avec son portable du tréfonds des égouts où elle s’est dissimulée aux appétits de la bête, les Park décident de partir à sa recherche, bravant policiers et militaires, déjouant les docteurs de l’hôpital où Gang-du, le père de Hyun-seo, est admis pour des examens rendus nécessaires suite au contact qu’il a eu avec le varan monstrueux.

 

Parce qu’un monstre surgit des profondeurs, parce qu’il sème la terreur et nourrit la paranoïa du pouvoir coréen, on est tenté de ranger d’emblée The Host dans la catégorie "film fantastique". Cette qualification hâtive ne recouvre en fait qu’une partie de la réalité. Car The Host est aussi une satire et une jolie fable sur la famille, surtout quand celle-ci, particulièrement branque et désunie, capable de se taper dessus malgré le chagrin ,renoue les liens distendus dans la quête rocambolesque de l’enfant disparue.

Joon-ho Bong passe sans cesse de la farce burlesque au drame effroyable dans un rythme soutenu par une mise en scène dynamique et inventive. L’aspect grand-guignolesque et baroque de The Host est en premier lieu assuré par la famille Park où les femmes, à part la sœur championne de tir à l’arc victime de sa lenteur, sont cruellement absentes : Gang-du n’a plus sa mère et celle de sa fille Hyun-seo a disparu à sa naissance. Gang-du, à l’extraordinaire chevelure jaune or, semble ahuri et passe le plus clair de son temps à dormir la joue appuyée sur le tiroir-caisse du snack et son jeune frère, chômeur diplômé, laissé-pour-compte de la démocratisation en marche du pays, est le plus souvent ivre, mais saura faire preuve au moment opportun d’insoupçonnées compétences.

Pendant que les Park tentent d’échapper à leurs différents poursuivants, surtout préoccupés de la défiscalisation de la récompense s’ils les attrapent, le monstre poursuit ses ravages dans un environnement aqueux anxiogène à souhait, croque les Coréens avec gourmandise, ce qui n’est pas sans provoquer quelque ennui digestif.

 

Le mélange déjanté et inspiré des genres dynamite The Host bien plus qu’il pourrait lui être néfaste et lui confère du coup une originalité jubilatoire, confirmant aussi tout l’espoir déjà placé sur Joon-ho Bong.

 

Patrick Braganti

 

Film fantastique sud-coréen – 1 h 59 – Sortie le 22 Novembre 2006

Avec Song Kang-Ho, Bae Doona, Hae-il Park

 

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www.thehost.fr