Deux
ans après le surprenant et réussi Memories of
murder – variation psychologique autour du
premier cas de tueur en série en Corée du Sud
– on attendait avec impatience le nouveau film
de Joon-ho Bong. Dans un registre tout à
fait différent, si ce n’est la mise en scène
de personnages truculents, The Host procure
le même plaisir qui tient pour beaucoup à
l’univers décalé et imaginatif dans lequel il
prend place.
A
Séoul, la famille Park réunie autour du père
vit tant bien que mal grâce à l’exploitation
d’un snack près de la rivière Han. Du fleuve
dans lequel quelques années auparavant des
produits toxiques furent déversés surgit un
monstre mutant, mélange de tyrannosaure et de
gros lézard avec une gueule en forme de corolle
qui engloutit quelques curieux, quelques traînards
avant d’enlever Hyun-seo, la petite fille Park,
et de replonger au fond de l’eau noire et
visqueuse.
Pour
le grand-père et ses trois enfants, la mort présumée
de Hyun-seo est le drame absolu. Quand celle-ci
appelle avec son portable du tréfonds des égouts
où elle s’est dissimulée aux appétits de la bête,
les Park décident de partir à sa recherche,
bravant policiers et militaires, déjouant les
docteurs de l’hôpital où Gang-du, le père de
Hyun-seo, est admis pour des examens rendus nécessaires
suite au contact qu’il a eu avec le varan
monstrueux.
Parce
qu’un monstre surgit des profondeurs, parce
qu’il sème la terreur et nourrit la paranoïa
du pouvoir coréen, on est tenté de ranger
d’emblée The Host dans la catégorie
"film fantastique". Cette qualification
hâtive ne recouvre en fait qu’une partie de la
réalité. Car The Host est aussi une
satire et une jolie fable sur la famille, surtout
quand celle-ci, particulièrement branque et désunie,
capable de se taper dessus malgré le chagrin
,renoue les liens distendus dans la quête
rocambolesque de l’enfant disparue.
Joon-ho
Bong passe sans cesse de la farce burlesque au
drame effroyable dans un rythme soutenu par une
mise en scène dynamique et inventive. L’aspect
grand-guignolesque et baroque de The Host
est en premier lieu assuré par la famille Park où
les femmes, à part la sœur championne de tir à
l’arc victime de sa lenteur, sont cruellement
absentes : Gang-du n’a plus sa mère et
celle de sa fille Hyun-seo a disparu à sa
naissance. Gang-du, à l’extraordinaire
chevelure jaune or, semble ahuri et passe le plus
clair de son temps à dormir la joue appuyée sur
le tiroir-caisse du snack et son jeune frère, chômeur
diplômé, laissé-pour-compte de la démocratisation
en marche du pays, est le plus souvent ivre, mais
saura faire preuve au moment opportun d’insoupçonnées
compétences.
Pendant
que les Park tentent d’échapper à leurs différents
poursuivants, surtout préoccupés de la défiscalisation
de la récompense s’ils les attrapent, le
monstre poursuit ses ravages dans un environnement
aqueux anxiogène à souhait, croque les Coréens
avec gourmandise, ce qui n’est pas sans
provoquer quelque ennui digestif.
Le
mélange déjanté et inspiré des genres dynamite
The Host bien plus qu’il pourrait lui être
néfaste et lui confère du coup une originalité
jubilatoire, confirmant aussi tout l’espoir déjà
placé sur Joon-ho Bong.
Patrick
Braganti
Film
fantastique sud-coréen – 1 h 59 – Sortie le
22 Novembre 2006
Avec
Song Kang-Ho, Bae Doona, Hae-il Park
Plus+
www.thehost.fr
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