Avec
son regard franc, son sourire doux et ses bonnes
manières sans brusquerie, on donnerait volontiers
le Bon Dieu sans confession à Elvis, vingt et
quelques printemps, tout droit sorti d’un
service de trois années dans la Navy. Et du Bon
Dieu il en est aussi quelque part question dans le
premier film de fiction du documentariste James
Marsh, puisque c’est après tout le fonds de
commerce du père de Elvis, David Sandow, pasteur
évangéliste de son état. Mais le jeune marin
est bien le seul à savoir que Sandow est son géniteur
dont il découvre l’étonnante fonction et
l’aura indéniable auprès de ses ouailles
lorsqu’il débarque à Corpus Christi dans le
seul but de rencontrer son père.
Or
David Sandow qui a trouvé le bon chemin en
rencontrant Dieu et en en faisant sa profession
(de foi ?) apparemment lucrative eu égard à
son train de vie, voit d’un très mauvais œil
l’arrivée de son fils naturel, alors qu’il a
depuis fondé une famille plus que respectable
composée d’une femme ravissante et de deux
enfants tout ce qu’il y a de plus propre. Pensez
donc : l’aîné, Paul, se partage équitablement
entre son lycée et son amour du rock, enfin
d’un certain style de rock, celui qui verse dans
les mièvres complaintes à connotation biblique
et amour de son prochain.
Le
maillon faible de la famille Sandow, c’est
probablement Malerie, la cadette de seize ans,
adolescente transparente que Elvis charme et finit
par dépuceler. Ce n’est là que la première étape
d’une descente aux enfers pour tout le clan
Sandow. Préméditation de la part de Elvis ou
arrangement en fonction des incidents de parcours ?
La réponse n’est pas donnée et peu importe. Ce
qui est plus important et singularise The King,
c’est la froide détermination et le sang-froid
cynique dont Elvis fait preuve. Sans jamais se départir
de sa bonne tenue, le film bascule avec Elvis dans
la folie destructrice.
Après
la disparition de Paul que ses parents et la
police attribuent à une fugue d’adolescent,
David implore le pardon de son patron (de Dieu,
pardon) et qu’il lui indique la voie à suivre.
Une voie de substitution en quelque sorte, Elvis
devenant le fils de remplacement, le gendre
putatif et tutti quanti.
A
ce moment-là, on se dit qu’en effet Elvis est
bien le roi des manipulateurs, des filous et des
imposteurs mais ses dernières exactions et son
ultime requête auprès de son pasteur de père
laissent entrevoir une faille autrement plus
grande.
D’une
noirceur totale, The King ne cache pas ses
références bibliques comme entre autres la
rivalité entre deux frères (le mythe d’Abel et
de Caïn) et prône in fine la possibilité de la
rédemption et du pardon, même après avoir
commis les actes les plus odieux, ce qui est aussi
un des concepts phares de la religion chrétienne.
Sous influence gothique, James Marsh
propose un cinéma qui mêle étroitement l’étrange
au réalisme. En cela, il opère une filiation
directe avec des réalisateurs comme David
Lynch, Charles Laughton ou encore Terrence
Malick, pour ce qui est du rapport avec la
nature et les éléments.
The
King est donc un premier film tout à fait
surprenant, voire un peu dérangeant et constitue
aussi une virulente charge contre le délire évangélique
que connaissent en particulier les états du Sud,
organisé par des prédicateurs au comportement de
rock star, nullement gênés lorsqu’il s’agit
de pratiquer la chasse à l’arc ou d’offrir
une voiture à leur fils bachelier en exhibant une
carte au nom de Jésus comme moyen de paiement !
Patrick
Braganti
Drame
américain – 1 h 45 – Sortie le 25 Janvier
2006
Avec
Gael Garcia Bernal, William Hurt, Pell James
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